Gary a 15 ans et démarre dans la vie en ayant à affronter les pires difficultés. On devine aisément que, vivant dans un taudis avec un père alcoolique et violent, au fin fond d'un état du sud des "States", même le chemin de l'école ne lui aurait pas offert de très grandes chances de "s'en sortir". Mais lorsqu'il croise la route de Joe, une fenêtre semble enfin s'ouvrir... Tye Sheridan est un sacré veinard, tout de même. Il avait déjà croisé Mud*, alias Matthew McConaughey, auparavant, et ne voilà-t-il pas qu'il tombe sur rien moins qu'un Nicolas Cage à la pointe de son art. Chronique d'un autre Mud.

On ne sait pas trop ce que Joe doit racheter. Mais Joe sait contre sa volonté qu'il devra mettre ce "Kid" sur les bons rails. Peut-être espère-t-il ne pas voir se rejouer devant ses yeux les errements de son propre passé. Joe a un lourd passé derrière lui, on le sent. Mais c'est pas un bavard, le gars. Il ne vous dira rien. Il n'est pas du genre à s'épancher. Et puis ce n'était pas vraiment sa faute non plus, si toutes ces histoires lui sont tombées dessus. C'était juste le bon gars qui a eu le malheur de s'interposer au mauvais moment, ou de picoler au volant quand les cops étaient de sortie.
L'arrivée de ce Kid va lui causer de nouveaux ennuis, c'est sûr. Réveiller les vieux démons, raviver les vieilles querelles. Mais quand on est fatigué de vivre, le dernier soubresaut d'énergie qui peut vous réconcilier avec l'univers, vous ne passez pas à côté.

C'est un film âpre, filmé parfois à la manière d'un documentaire à charge contre une multinationale prise en flagrant délit de fraude, caméra sur l'épaule. Joe recrute au jour le jour des bucherons d'un genre assez particulier... des blacks qui n'ont pas peur d'aller empoisonner des forêts entières pour les rendre exploitables. Un sale boulot, un travail de pourris, mais il faut bien manger, aussi. Les gars de Joe détruisent, pour qu'une autre équipe puisse replanter, plus tard, des essences plus "nobles", ou plutôt plus "valorisables" ou rentables, c'est selon. Mais c'est ça, le sud. Une société violente, où il n'y a pas d'autre choix que de détruire si on veut avoir l'espoir de reconstruire. Une vie dans laquelle il faudra bien "tuer le père", aussi, pour se construire soi-même. Le film multiplie ainsi, métaphoriquement, les niveaux de lecture. On y devine le cynisme ambiant, le racisme ambiant, la solitude ambiante, la misère.

On y devine pourtant les quelques flammèches de solidarité qui permettent d'espérer, de continuer à croire en l'âme de quelques-uns qui se sauvent, comme Gary le fait en sauvant Joe, ou Mud, ou comme Joe le fait en sauvant Gary... Je ne sais plus trop. Comme certains en sauvent d'autres en se sauvant eux-mêmes, d'une manière ou d'une autre.


*Mud :
http://www.senscritique.com/film/Mud_sur_les_rives_du_Mississippi/379511

Voir aussi :
Les Bêtes du sud sauvage :
http://www.senscritique.com/film/Les_Betes_du_sud_sauvage/396316
Pacomm
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le 3 mai 2014

Modifiée

le 5 mai 2014

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