John Wick me fait me poser une grave question : Peut-on, avec toute l’honnêteté du monde, mettre un 10/10 Coup de Cœur à un film pas exceptionnel, avec un scènario vu et revu et même un peu absurde vu son pitch de départ, et qui ne révolutionne rien ? A partir de quel moment peut-on mettre la note maximale à un film ? Quand on le considère comme un chef-d’œuvre objectif ? Quand il nous fait ressentir un plaisir au visionnage tel que, galvanisé sur l'instant, on ne peut s’empêcher de le surnoter avant de de rendre compte avec le recul qu'il n'était pas si bien que ça au final ? Ou tout simplement quand on considère que si un film assume pleinement ses limites mais met tout en œuvre pour être aussi mémorable que possible dans l'esprit du public, il mérite une sympathie que certains pourront juger disproportionnée, mais qui nous satisfait très bien en notre qualité de cinéphile ?
Je pencherai plutôt pour cette dernière réponse. Car à mon sens, le 10 n'est pas un chiffre réservé à l'excellence ou au mérite, il est ouvert à toute œuvre qui saura faire vibrer notre cœur, qui nous emportera tout du long par une étrange alchimie de facteurs que nous serons seuls à considérer comme un cocktail amenant à la perfection.


Mais alors, impatient lecteur, tu me demanderas pourquoi je considère que John Wick est un film qui mérite 10/10, chose totalement bizarre car toi tu n'as peut-être pas aimé, de même que tous tes amis et éclaireurs qui lui ont mis des 3, 4, peut-être 6/10 pour les plus généreux, ce qui te donne un sentiment de supériorité et de confort en sachant que tu fais partie de la masse et que tous ceux qui n'ont pas le même avis que toi seront considérés par cette même masse comme des personnes étranges avec des gouts cinématographiques tout aussi saugrenus. Je ne te jette pas la pierre, car je sais très bien que tu es tout à fait en droit de ne pas aimer.
Mais ce qui compte le plus, ce n'est pas d'aimer ou non un film, c'est de savoir exprimer clairement pourquoi.


Car John Wick, c'est avant tout une histoire basique : Celle de John Wick, tueur à gages repenti qui vient de perdre sa femme adorée, et qui voit sa voiture volée et son nouveau chien assassiné par le fils du chef de la mafia russe, son ancien patron. Ivre de rage et de vengeance à l'égard de ce monde du crime qui ne semble pas vouloir lui lâcher la grappe malgré sa retraite, John repart en croisade pour les tuer tous.
Simple, clair, précis. On sait où l'histoire va nous mener et comment elle va se conclure.
La structure est facile à deviner : Situation initiale et présentation du personnage principal, élément déclencheur, bagarre, petite pause, bagarre, petite pause, bagarre, petite pause,... Et ça continue comme ça jusqu'au grand méchant de fin qui (Spoiler) se fait buter par le héros.
Originalité/20, n'est-il pas ?
Mais un scènario prévisible n'est pas un défaut en soi, tout dépend si le film se complet dans cette banalité, ou s'il tente des choses pour se démarquer.


Et c'est très précisément là que John Wick fait fort.
Car dans sa manière de mettre en forme cette histoire, il atteint un degré de maitrise des codes du genre qui force le respect.
Le scènario ne prend pas de détours, pas de petits à-cotés inutiles, il n'essaye pas de péter plus haut que son cul. Il veut nous montrer un héros d'action dézinguer des mafieux pendant 1h30 ? Alors il nous montrera un héros d'action dézinguer des mafieux pendant 1h30. Point.
Ça peut sembler con, dit comme ça, mais un film qui joue à ce point la carte de la sobriété, qui ne devient pas un drame mélo chiant avec un héros qui se plaint pendant 10 minutes comment il est triste de plus avoir sa femme près de lui, je trouve que ça force le respect.
C'est comme si les 2 réalisateurs avaient pris tous les films d'action avec de la vengeance dedans, qu'ils les avaient mis dans un mixeur, qu'ils avaient fait cuire la substance obtenue, puis distillé le reste pour obtenir une unique goutte contenant l'essence même du genre.
John Wick, c'est un film qui revient aux fondamentaux, et qui s'en tape bien si vous êtes pas contents.


Rien que les 20 premières minutes, le premier acte du film censé exposer les personnages, est une belle réussite. En moins d'un quart d'heure, les 2 réalisateurs nous présentent John Wick, arrivent à nous faire ressentir le déchirement du personnage après la perte de sa femme, l'importance de ce chien et de cette voiture et pourquoi ces 3 points forment l’élément déclencheur de toute le reste du film. Une exposition sobre, pudique, mais pas dénuée d'émotion, sans avoir besoin d'en rajouter 3 couches histoire d'apitoyer le spectateur.
Puis après ça arrive cette scène absolument folle, où le grand méchant nous présente qui est John Wick, le tueur implacable que tout le monde appelle 'Baba Yaga', en parallèle de quoi l'on voit notre protagoniste détruire une dalle de béton sous laquelle était enseveli son arsenal.
Une renaissance.
Jusque-là on avait Keanu Reaves avec des cheveux longs en dépression, maintenant il devient John Wick, le Croquemitaine.



Well, John wasn't exactly the Boogeyman.
He was the one you sent to kill the fucking Boogeyman.



Je crois que c'est à ce moment précis que je suis tombé amoureux de ce film.
Ce moment où même le méchant se chie dessus à l'idée que le héros débarque pour le trucider.
Et il a bien raison d'avoir peur, vu ce qui vient après.


Parce qu'après ça, c'est un festival d'action esthétisée, une cascade de douilles éjectées des armes des personnages, une douche de sang sur le rythme du fracas des voitures qui s'entrechoquent, une symphonie de détonat... Oui bon, vous avez compris.
Les scènes d'action sont toujours très bien réalisées, sans aucun temps mort. Quand John Wick commence à canarder, il n’arrête que quand tout le monde est mort en face. Toute la séquence dans la boite de nuit, que ce soit le rythme, les chorégraphies ou le jeu de lumières absolument incroyable, tout est fait pour rendre la scène aussi cool, intense et jouissive que possible. Le tout n'est jamais cuté à mort, il n'y a pas de séquences caméra à l'épaule filmées par un type atteint de Parkinson, les plans sont posés, millimétrés, et durent souvent de longues secondes, donnant un montage très aéré.
D'ailleurs, je ne sais pas qui est le chef-opérateur de ce film, mais si je le rencontre un jour, je lui serrerait bien la main, parce que putain, un film aussi riche en couleurs et avec un tel jeu de clair-obscur, ça mériterait presque un poème !


Et la musique en rajoute une bonne couche. Pour moi, la musique dans un film ne devient vraiment excellente que quand on l'entend vraiment, quand le fond musical passe presque au premier plan du film, et se met à sublimer la scène. C'est difficile à décrire, vu que c'est un ressenti personnel, mais je pense que quand la musique devient presque un moteur du film, elle devient vraiment mémorable, c'est d'ailleurs pour ça que j'adore des thèmes musicaux comme ceux de Wonder Woman de Junkie XL et Hans Zimmer ou le générique de Drive, c'est le genre de musiques qui ont une telle prestance que tu ne peux tout simplement pas passer à coté. En plus y'a un morceau de Marilyn Manson juste parfait pour le contexte, c'est génial


Ah, et puis John Wick. Hein, John Wick est génial.
Si je devais un jour écrire un scènario de film d'action, je crois que j'essayerais de lui donner un héros comme lui. Il a tout ce qu'il faut : Un background extrêmement dense mais seulement esquissé par certains dialogues, un coté sombre et torturé qui ne vire pas à l'émo, calme et méthodique façon Agent 47, et évidemment super badass quand il faut.
En plus Keanu Reeves est vraiment à fond dans son rôle. Y'a vraiment 2 scènes qui m'ont beaucoup marqué en terme d'acting : La première c'est au début du film quand John se met à pleurer, Reeves arrive vraiment à rendre son personnage touchant, quand il verse des larmes, tu y crois vraiment; La seconde, c'est vers les 3/4 du film, quand il discute avec le méchant russe, il fait tout un monologue en haussant de plus en plus la voix au fur et à mesure, ça le rend presque terrifiant, c'est dingue. Ça prouve une fois de plus qu'on peut dire ce qu'on veut de Keanu Reeves, c'est quand même un bon acteur quand il s'investit.


Un autre truc qui renforce le charisme du héros dans le film, et qui en plus étoffe l'univers de tueurs à gages qui nous est présenté, c'est cette impression que John Wick a déjà tout un vécu avec les personnages qu'il rencontre, ce qui est appuyé par des petites touches dans les dialogues bien trouvées. Par exemple, au tout début du film, quand notre héros reçoit le fameux chien offert par sa femme avant sa mort, il regarde le nom sur le collier de l'animal et dit "Daisy... Évidemment." Pourquoi "évidemment" ? Qu'est-ce que signifie ce nom pour John et sa femme ? Pourquoi "Daisy" ?
Pareil, à un autre moment, John menace un garde avec son arme, les deux commencent à parler comme s'ils se connaissaient depuis longtemps, on apprend que le garde s'appelle Francis, et John le laisse partir. Pourquoi ? Qui est ce Francis ? Quel passif ont les 2 personnages ? Et pourquoi John l'épargne alors qu'on a bien vu qu'il n'a aucun scrupule à dégommer tous les gardes qui se tiennent entre lui et sa cible ?
Ça a l'air de petits détails, dit comme ça, mais je trouve qu'ils renforcent l'impression que le héros et l'univers du film ont un vrai background, et laisser tout un tas de zones d'ombre dans leur passé fait bouillonner l'imagination du spectateur.


Encore une fois, certains me diront que j'encense ce film de manière un peu exagérée. Que toutes les qualités que j'ai citées sont l'apanage de beaucoup d'autres films d'action, et qu'il serait bête de réserver un traitement de faveur à ce film qui, bien que très bon, ne l'est pas plus que des dizaines d'autres films du même genre. Et je me rends compte que ces gens-là sont quand même bien bavards...
Il est vrai que dit comme ça, John Wick est un divertissement efficace, mais qui ne mérite pas des pavés entiers d'éloges. Et je serais bien incapable de dire pourquoi ce film a autant marché sur moi.
C'est une sorte d'indescriptible magie, une étrange harmonie entre tous les points du film : Lumière, scènario, acteurs, mise en scène, musique,... Qui semble me toucher, d'une manière que je ne saurais pas décrire.
John Wick a eu une résonance particulière en moi. Il a réussi à dégager un charme qui m'a envouté du début à la fin, ce qui, à mon sens, est une raison suffisante pour accorder un 10/10 à ce film et à le ranger ainsi aux cotés du Bon, la Brute et le Truand, 12 Hommes en Colère et L’Étrange Noël de Monsieur Jack.


Mais bon, si ça se trouve, d'içi 2 mois, je réviserai mon jugement, et ce film perdre 1 ou 2 points dans mon estime, et toute cette critique n'aura donc servi à rien. Ce qui entre nous me décevrais beaucoup.

Arkeniax
10
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le 13 févr. 2018

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Arkeniax

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