Adolf Hitler, héros de la pop-culture.

Que serait le monde sans Adolf Hitler ? Un monde terne et triste, très certainement. Surtout en ce qui concerne le cinéma. Pas de sublime discours à la fin de Dictateur. Pas de traumatisme devant Nuit et brouillard. Pas de jouissance devant le Kung Führer ou avec Il est de retour. Pas de larmes devant La vie est belle. Et j’en passe, bien entendu. Le dernier film de Taika Waititi se rajoute à cette liste et est en passe de se faire plaisir dans les festivals avec déjà deux nominations à concrétiser lors des Golden Globes (Qui sont d’ailleurs demain, quel sens du timing !). Bref, ce potentiel succès à venir est-il mérité ? Je n’en sais rien, je ne suis pas membre du jury. Reprenons donc depuis le début et voyons un peu ce que nous réserve ce film, le tout en spoilant allègrement (d'où la balise recouvrant tout le reste de la critique, vous voilà prévenu).


Le film débute fort avec la présentation de notre protagoniste Jojo Betzler, dix ans, qui comme tout bon enfant va passer un week-end d’entraînement spécial avec la Jungvolk, une subdivision des fameuses Jeunesses hitlériennes. Un peu effrayé par toute la responsabilité engendrée par ce séjour, Jojo doute, mais fort heureusement, son ami imaginaire qui n’est autre qu’Adolf Hitler en personne le réconforte et l’encourage. S’ensuit l’une des meilleures scènes de Heil Hitler de tous les temps de l’histoire de l’univers (Il se peut que j’exagère un peu, ce que j’essaye de dire, c’est que j’ai rigolé. Voilà, je l’avoue.). Et paf, la jouissance ne s’arrête pas là dessus puisque le générique de début se lance avec une version allemande de I Want to Hold Your Hand des Beatles sur des images de foules en liesse devant le charme irrésistible du führer. Une belle manière d’illustrer la Hitlermania de l’époque. D’ailleurs, puisque l’on parle musique, le reste du film n’est pas en reste avec entre autre du Tom Waits et une version allemande du Heroes de David Bowie. Ça fait toujours plaisir. Mais reprenons, puisque nous voilà désormais avec le capitaine K et fräulein Rahm, les deux nazis les plus loufoques de cette histoire, pour entamer une jolie colonie de vacances wesandersonienne version SS où l’on apprend qu’il ne faut pas se poignarder entre nous, à faire du tir à la corde équipés de masques à gaz, que les juifs possèdent des écailles et sentent le choux de Bruxelles, mais surtout, que notre Jojo reste avant tout un petit enfant avec une sensibilité que même la propagande nazie ne parvient pas à éliminer, à l’image de cette scène où les plus grands insistent pour qu’il tue un lapin, ce qu’il sera incapable de faire et lui vaudra le surnom de Jojo Rabbit qui est, chose étonnante, le titre du film. Heureusement, Hitler est là, encore une fois pour réconforter le gamin et lui expliquer que le lapin n’est pas un lâche, que le petit lapin fait face à un monde dangereux chaque jour, en chassant des carottes pour sa famille, pour son pays. Jojo va alors se sentir pousser des ailes et tenter de prouver à tout le monde qu’il est un homme, un vrai, et ce en s’imposant lors de l’exercice de lancer de grenades. Mais, un rebond impondérable sur un arbre va lui renvoyer le projectile à ses pieds. Oups. Nous en sommes à quinze minutes de film, et pour le moment, tout se passe bien. Sauf que.


Sauf que, tel le démon perfide qu’elle est, Scarlett Johansson apparaît. Et oui, il est important de préciser à ce stade de la critique que non seulement je ne fais pas partie des hommes qui sont en admiration devant elle, mais qu’en plus elle me sort à la fois par les yeux, mais également par les oreilles. C’est pour dire ! Alors, certes, au vu de sa prestation réussie lors de Marriage Story, je veux bien lui accorder une seconde chance. Mais non, ça ne marche pas. Pas du tout. Et alors même que l’actrice douche ma passion naissante pour ce film, le personnage qu’elle incarne va quant à lui plomber l’intrigue et faire plonger le tout dans le lourd, le consensuel, le gnangnan et l’attendu (Oui, visiblement je fais partie des cœurs de pierre, désolé de vous l’apprendre.). Car Scarlett a des squelettes dans son placard. Enfin, il s’agit surtout d’un squelette qui a encore de la peau, qui peut même bouger et parler, mais bon, ça reste quand même problématique puisque ce genre de squelette n’est pas vraiment apprécié en Allemagne nazie (Oui, je parle des juifs.). La suite est aisément devinable, on obtient ainsi de mauvaises scènes avec Scarlett Johansson (par exemple quand elle imite le père absent de Jojo…) ainsi qu’un rapprochement nazi-sémite qui est certes mignon quand on a dix ans mais est particulièrement relou et prévisible quand on est plus grand (Ou quand on est aussi con que moi.). C’est d’autant plus dommage qu’au fur et à mesure que le film s’enfonce dans la niaiserie, le Hitler imaginaire se fait de plus en plus absent. Alors certes, c’est en soi normal puisque le garçon fait le choix de son « amie » réelle en plus de tout ce qu’elle représente, mais j’aurais apprécié une dualité plus prononcée, plus de doute venant d’un Jojo tiraillé à l’idée de perdre son Hitler de compagnie, et surtout un Adolf qui ne se laisse pas faire et tente de s’imposer davantage dans la complicité naissante des deux enfant. Une petite éclaircie se profile sous la forme de la Gestapo qui nous offre la deuxième meilleure scène de Heil Hitler de tous les temps de l’histoire de l’univers (Ou du moins, du film, vous m’aurez compris.), et on a même le droit à un petit plaisir personnel avec la disparition brutale de Scarlett Johansson. Ce qui devrait nous mettre en joie. Sauf que non, il est trop tard. Le mal est fait, le rythme du film a été coupé depuis bien trop longtemps. On ne vit plus le film, on le subit, et ça, c’est triste. C’est d’autant plus triste qu’il reste encore une demi-heure de film. Une demi-heure qui passe si lentement tellement le film devient lourd. Et au final, ce sont l’ennui et les bâillements qui l’emporteront sur cette fin très, trop, conventionnelle.
Corn-Flakes
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le 4 janv. 2020

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