Devant l'engouement autour du film « Joker » qui a joui d'une promotion excessive, je me suis décidée à me faire mon propre avis sur ce film en me rendant au cinéma.

Tout d'abord il faut savoir que je ne suis pas une mordue de films de super-héros, et encore moins de f de science-fiction. Mais le personnage du Joker m'a toujours intriguée. J'ai apprécié le Joker de Jack Nicholson dans l'univers décalé de Tim Burton, et plus encore celui de Heath Ledger dans l’œuvre de Christopher Nolan qui transposait le personnage dans un monde plus réel et contemporain que celui de la bande dessinée dont il s'inspirait. Et si je m'attarde ainsi sur les réalisateurs, c'est pour une raison toute particulière. Je pense que la réussite d'une représentation cinématographique du Joker dépend de deux points essentiels : les choix du réalisateur et le jeu d'acteur. Ma critique sur « Joker » sera, de ce fait, certainement influencée par mes affinités pour les univers respectifs de Tim Burton et Christopher Nolan, affinité que je ne partage pas avec Todd Philipps. Et ma dépréciation du film « Joker » a tout à voir avec les choix de réalisations.

Pourtant Joaquin Phoenix était certainement le choix le plus judicieux et pertinent pour un rôle d'une telle envergure. Cet acteur, qui possède une palette de jeu incroyable, ne peut que nous bouleverser dans ce film. Son rire pathologique a provoqué au sein de la salle une gêne immense. Le rire, censé être communicatif et vecteur de sentiments positifs tels que la joie, a quelque chose de maladif chez le personnage, prêt à s'étouffer de ses propres bras pour le faire taire. Son corps, d'une maigreur affolante, le rend tout à fait inhumain. Je pense tout particulièrement à une séquence où le Joker tente de lacer ses chaussures de clown, filmé de dos. Son ossature dorsale apparente, ses épaules recroquevillées, son corps tuméfié, donne un aspect monstrueux et désarticulé à cet homme. Ses pieds de clown trop grands pour ce corps si fébrile rendent les pas du personnage maladroit lors de ses courses effrénées, de ses fuites à répétition, au sens propre comme au sens figuré puisqu'il tente d'échapper à la fois à sa condamnation d'un point de vue réel (condamnation en justice pour crime) et d'un point de vue spirituel (condamné à vivre dans une triste réalité). Néanmoins, le Joker connaît aussi des moments de grâce lorsqu'il se met à danser, dans des séquences où je ne peux que saluer le travail du chef opérateur pour les couleurs et les éclairages... Joaquin Phoenix nous présente ainsi un personnage au bord de la rupture, un homme que l'on craint autant que l'on plaint. Mais c'est précisément ce choix de direction qui me déplaît.

Le Joker n'est pas à plaindre. Todd Philipps, en souhaitant donner une identité à ce personnage mystérieux et emblématique, l'humanise. Il en fait le martyr d'une société malade, le symbole d'une révolution populaire contre une élite tyrannique. Le Joker est un prétexte à diffuser un message politique : celui du clivage des rangs sociaux. Il est du côté du peuple, ce n'est plus réellement un « méchant » mais un anti-héros. Face à lui : la bourgeoisie, la politique... Les Wayne. On nous dresse alors le portrait d'une population épuisée qui manifeste dans les rues d'une ville insalubre pendant que l'élite se rend au cinéma dans leur plus belle tenue de soirée. Ils rient par ailleurs devant un film, dont le choix ne peut que être lourd de sens : Les temps modernes de Charlie Chaplin. Quelle ironie ! L'aristocratie qui s'amuse devant une comédie qui dénonce le travail à la chaîne, celui qui fait des ouvriers non plus des hommes mais des automates. Le Joker est finalement un oublié de la société comme un autre, mais qui se démarque par un accès de violence dans le métro qui sera l'élément déclencheur du chemin vers le chaos. Un chaos par lequel le personnage semble dépassé... Pourtant, n'est-ce pas lui qui devrait mener la danse ? N'est-ce pas le maître incontesté du chaos plutôt que son pantin ? Pourquoi avoir rendu le Joker si fragile, si dramatique ? Avant toute autre chose, le Joker est le personnage d'un jeu de carte. Mais alors où est passée toute la dimension du jeu qui lui est si propre ?

Néanmoins, bien que je n'apprécie guère la voie empruntée par Todd Philipps, je ne saurai en proposer de meilleure. Comment faire un film qui se consacre au Joker sans se pencher sur ses origines, son histoire, et de ce fait son mal être ? L'erreur était alors peut-être tout simplement de faire un film sur le Joker, qui tente de saisir un personnage qui, de tout évidence, devrait demeurer insaisissable pour être mythique.

ClémenceP-Lalo
7
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le 1 nov. 2019

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