Avez-vous déjà dansé au clair de lune... sur un escalier ? ( Spoilers)

Le résumé ( version romancée, full spoilers)


Le sourire qui se reflète dans un miroir est-il vraiment un sourire ? C’est ce que se demande Arthur Fleck en grimaçant devant sa commode de travail. Nous sommes en 1981, à Gotham City, une ville en plein bouleversement. La crise financière est plus proche que l’on ne le croit, les inégalités croissent et la situation sanitaire de la ville se détériore.


C’est dans les rues en piteuses état que chaque jour de la semaine, Arthur enfile un costume de clown pour essayer de faire rire les gens, et accessoirement, gagner un peu d’argent pour s’occuper de sa mère Penny, malade. Arthur sait ce que souffrir d’une maladie implique, il en est lui même atteint. Mais sa maladie est particulière. Elle est dans sa tête, bien que son physique malingre et décharné est en quelque sorte, la représentation physique de son état mental. Arthur est fragile. Il est dépressif, il a des idées suicidaires et surtout, en cas de stress, ne peut s’empêcher de rire. Là où le rire fait du bien au moral pour la plupart des gens, le sien le fait souffrir. Profondément.


C’est ironique, quand on souffre d’une telle pathologie mentale, d’avoir choisi de faire le clown. C’est parce que, au fond de lui, Arthur a un rêve. Une mission dans la vie. Apporter de la joie et de la bonne humeur aux gens. Devenir un comédien, faire du stand-up et passer dans le talk show du présentateur télé Murray Franklin.


Mais au lieu de ça, il arpente les rues de Gotham, dans son costume usé de clown pour quelques dollars. Pas assez, mais c’est déjà ça, qui voudrait embaucher un type comme lui ? Une bande de voyous arrive, et sans autre forme de procès, le tabasse. Gratuitement. C’était pas la première, ce sera surement pas la dernière, songe Arthur en se tenant le ventre, meurtri par les coups de pieds.


Un flingue ? A moi ? Arthur accepte avec méfiance la proposition de son collègue Randall, un clown ventripotent qui le méprise d’habitude. C’est la première fois qu’il tient un revolver dans les mains. Il est à la fois fasciné et terrifié. Il sait pertinemment qu’il n’est pas le genre d’individus à qui on confierait un flingue. Mais il accepte.


Il rentre chaque jour dans son vieil appartement miteux de Gotham City, après les transports en commun, après le long escalier; après l’ascenseur où il croise sa voisine, Sophie, une mère célibataire afro-américaine. Il tombe sous le charme. C’est surement réciproque se dit-il, tout en donnant le bain à sa mère Penny.


Il suffit parfois d’une mauvaise journée pour que tout bascule. Et celle-ci avait déjà mal commencée. Son patron, furieux de son absence l’autre jour. J’ai été agressé, répond Arthur. Mensonges, balivernes, et que cela ne se reproduise plus. Malheureusement faire le clown dansant dans un hôpital d’enfants malades, et faire tomber accidentellement un revolver, c’est pas le genre de blague appréciable. Surtout quand Randall, qui la veille lui donne ce flingue, aujourd’hui prétend le contraire.


Viré. Viré. Arthur, toujours grimé en clown, est désemparé dans la rame de métro. Comment je vais faire pour vivre ? Des éclats de rires le sortent de sa torpeur. Trois jeunes hommes, plutôt branchés, en costume, importunent une jeune fille. Arthur est stressé, il ne le sait pas encore, mais il va éclater de rire. Longtemps, trop longtemps. Il essaie de résister mais c’est impossible, sa maladie mentale, c’est son fardeau. Les trois hommes approchent de lui, et le tabassent. Pauvre taré, crie un des hommes. Une détonation retentit. Puis une autre. Puis encore une autre. Le dernier des trois hommes, blessé, s’enfuit dans les couloirs du métro. Mais Arthur ne lui laisse pas le temps de partir. Je dois danser, se dit-il, je dois danser. Et il le fait. Dans des toilettes lugubres. Cette danse macabre l’apaise.


Le lendemain, Thomas Wayne parle de l’incident. Trois jeunes traders de wayne enterprise. Sauvagement abattus dans le métro. Une honte. Un scandale. Un suspect grimé en clown ? Peut être a t-il des revendications politiques ? Ou pas ? Dans tout les cas, les gens d’en bas qui n’ont pas de jobs, pas de revenus, eux sont des clowns. Wayne ravale sa salive. Il a peut être parlé trop vite. Mais Arthur, lui l’a entendu.


Comme si cet acte lui avait permis d’exprimer une chose enfouie au fond de lui, arthur passe sur scène dans un théâtre. Et il fait des blagues. Et il éclate de rire. Il est le seul. Un caméraman le filme. Regardez moi ce taré. Il faut absolument le faire passer dans le murray franklin show. Arthur espère l’avoir fait rire, elle. Sophie. Il s’est beaucoup rapproché d’elle. Il attend le bon moment. Pour l’embrasser.


Sa mère Penny. Lui avoue quelque chose. Ton père Arthur, c’est Thomas Wayne. Vraiment ? Vraiment ? Il doit en avoir le coeur net. Il se rend au manoir Wayne. Mais on lui dit que sa mère est folle. Alors il va voir Thomas lui même. Ta mère est folle Arthur. Elle t’a adoptée. Et ne t’approche plus jamais de mon fils Bruce. Alors Arthur va à l’asile d’arkham. Ce même asile où chaque semaine, il voyait sa psychiatre et prenait ses médicaments gratuitement. Mais c’est terminé.


La vérité c’est qu’il n’est rien. La vérité c’est qu’il est adopté et que sa mère, lui a fait subir des sévices qui ont induit sa maladie mentale. Sa vie une tragédie ? C’est une comédie. Alors Arthur l’étouffe froidement. Comme pour essayer d’éteindre la douleur immense qu’il éprouve. Et il se voit à la télé. Chez Murray Franklin. Qui se moque de sa prestation humoristique.


Arthur est au bord de l’explosion. Il va voir Sophie, pour l’embrasser. Sauf que leur relation n’existe pas. Enfin, elle existe dans sa tête. A lui. Au bord du suicide, il reçoit un appel. Voulez vous passer au Murray Franklin show ? Le voilà. Son moment de gloire. Arthur décide de se faire exploser la cervelle devant son héros lors de son futur passage. Voilà, ça sera une bonne blague.


Il décide de s’habiller en clown. Mais de sa propre manière. Pas de perruque. Pas de nez rouge. C’est lui le clown. Il se sent enfin libre. Il quitte son appartement de manière détendue, en laissant le cadavre de Randall son ancien collègue , qu’il vient de froidement assassiner. Il descend les escaliers, il danse, il a accepté sa folie. Des policiers le poursuivent. Probablement pour m’arrêter se dit Arthur. Il leur fausse compagnie dans le métro. Des émeutes éclatent un peu partout à gotham, des gens avec des masques de clown, inspirés par son triple meurtre.


J’ai fait ça parce que la société m’a fait devenir ainsi. J’ai fait ça parce que ces trois jeunes hommes étaient méchants. J’ai fait ça que j’ai trouvé ça drôle. Vous ne savez pas ce que c’est d’être moi. D’être pauvre et malade mental. Vous pensez que Wayne se soucie des gens comme moi ? Vous sortez de votre studio pour voir la misère, dehors Murray ?


Murray écarquille les yeux. Il pensait inviter un taré pour pouvoir se foutre de sa gueule, et faire de l’audimat. Et le type, grimé en clown, se faisant appeler « joker », avoue en direct live, être l’assassin que tout le monde recherche. Le mec qui a déclenché ce mouvement de révolte sociale. Du pain béni se dit Murray. Je dois le faire parler, je dois faire du buzz. Il monte le ton, se cherche des excuses. Murray le pousse dans ses retranchements.


Il ne m’écoute pas, se dit Arthur. Il se moque de moi. Lui le malade mental solitaire, abandonné, méprisé par la société. Tu as ce que tu mérites putain ! Arthur fait sauter la cervelle de Murray en plein live. Pourquoi un tel revirement de plan, lui qui devait mourir ce soir ? Il n’en sait rien, mais pour la première fois, il est heureux. Il éclate de rire. Un rire sincère. Pas sa maladie. Un rire à lui.


Pauvre taré, lui dit l’agent de police, dans le véhicule qui l’emmène au pénitencier de blackgate. Arthur n’écoute pas, il regarde avec fascination la ville qui brûle. A cause de lui. Et c’est alors que l’inimaginable se produit. On vient le délivrer. Les émeutiers, le sortent de la voiture. Lui saigne, mais se trace de joie un sourire de sang sur le visage. Il danse, prend la pose devant ses supporters. Gotham n’a jamais eu que faire d’Arthur Fleck, mais le joker lui deviendra son plus grand fléau. Et un petit garçon, dont les parents viennent de se faire tuer sous ses yeux, s’érigera par la suite comme le dernier rempart de sa ville, son chevalier noir.


Fin du résumé


A grand film, critique exceptionnelle, et derrière ce résumé complet romancé du film, je souhaite saluer la prestation de Joaquin Phoenix et de Todd Philips pour ce film grandiose. Pas un chef d’œuvre, mais le film que l’on méritait sur un personnage DC comics. Puisant du coté de killing joke et de dark knight returns, Philipps ajoute à son joker un versant réaliste encore plus malsain à la némésis de Batman.


Qui est responsable de l’apparition du joker ? La maladie mentale de Arthur Fleck ? La société de Gotham City qui lui en a fait baver ? Un peu des deux ? C’est la première fois qu’un film inspire de la sympathie pour le personnage du joker. Et en même, c’est très clivant, quand on voit le crescendo des actes violents que le personnage va commettre au fil de sa descente aux enfers.


Le film essaie d’être plus qu’un film de super-héros, c’est un film, même si parfois un peu simpliste dans sa vision du monde, qui offre une vision très pessimiste, très sombre du monde dans des 2 premiers tiers. Le dernier tiers offre de la luminosité au personnage... Alors qu’il accepte pleinement sa folie meurtrière.


Le film essaie aussi de raccorder son histoire à Batman, et de ce point de vue là, c’est réussi.


Je ne vais pas m’attarder plus longtemps sur Joker, mais Phoenix a réussi a faire une synthèse entre le clownesque de Nicholson, avec sa gestuelle de danse, et le coté inquiétant du regretté Ledger. Le joker version 2019 est une version crédible de que pourrait être le joker. Philipps prend de la distance en plaçant le film en 1981, mais pas de doutes, il critique la société américaine contemporaine.


Pour en revenir aux polémiques sur la violence du film, NON, le joker n’incite à AUCUN moment à reproduire les actes de son protagoniste. Le film cherche à montrer comment une personne déséquilibrée peut, si elle est rejetée par la société, basculer dans une folie. Arthur Fleck dans le film cherche à exister. Et comme il n’arrive pas à exister dans le « Fame », dans l’artistique, il bascule dans « l’infâme ». Cependant encore une fois, Philipps nuance son personnage. Il est pas là à dire au spectateur regarde le joker est très vilain ou regarde il tue des méchants donc il est gentil.


Le meurtre des traders de wayne enterprise renvoie à un fait divers qui a existé dans le metro de New York. On voit dans le film que la légitime défense du joker est discutable. De victime, il passe en quelques secondes à bourreau. Le personnage se rend compte qu’il ne ressent pas de culpabilité et par la suite, la plupart de ses crimes viseront les personnes qui lui font du mal.


Mais pour autant, si on analyse bien le film, ça ne le rend pas plus « héroïque ». Il étouffe sa mère sur son lit d'hôpital, il tue (possiblement) sa voisine qui ne lui a rien fait, il bute froidement son collègue de travail par qui tout est arrivé, il cause indirectement la mort d’un manifestant, il abat Murray Franklin dans une scène culte par la performance de Phoenix qui s’était moqué de lui. Pourtant si on revoit le film, on se rend compte que Murray, même s’il est pas sympa, n’est pas l’ordure suprême.


TOUT le film est du point de vue de Arthur Fleck, qui est malade mental. DONC la plupart de ses crimes ne sont pas prémédités ou presque, ni synonymes d’une quelconque justification. Le personnage le dit lui même à un moment. Il est malade mental, il est isolé, la société a pas forcément voulu l’intégrer. Il pète un câble. Point final. Le film essaie de prévenir pour mieux guérir.


Une bonne surprise 2019. A voir absolument. Par contre, je pense qu’on va se taper une suite, et je suis pas ultra fan de cela. Mais bon, a voir l’avenir nous le dira.


Récapitulatif


Pts positifs


La musique
L’ambiance
Le jeu d’acteur
Incroyable ambiance
C’est sombre
Le joker moderne de Phoenix, qui puise dans l’ancien et le récent pour en faire une version équilibrée


Pts négatifs
Une scène ou deux, un peu moins bien que les autres
Parfois vague pour laisser planer un mystère
Ça aurait pu être encore plus malsain ?
Perspective de suite en approche...

SpiderVelvet
8
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le 25 oct. 2019

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SpiderVelvet

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