Incroyable.


Je n’ai que ce mot en tête depuis que je suis sorti de cette séance, un jeudi matin où la pluie et la brume rendait la vie lyonnaise maussade.


N’ayant vu aucun film de la trilogie de Batman, mon avis peut paraître sans grand intérêt, ne pouvant comprendre les enjeux d’un tel personnage. Je pense au contraire que cette méconnaissance peut s’avérer être en réalité une richesse dans l’objectivité dont je vais faire preuve.


Pour commencer, le film démarre sur une scène banale de la vie quotidienne d’Arthur Fleck, clown pour une société de publicité. Ne serait-ce pas déjà là une forme de critique de la société et, de fait, allant à l’encontre d’un système à bout de souffle, fondé sur un libéralisme accru ? N’y trouve pas-t-on déjà dans cette activité professionnelle une forme de rébellion à l’encontre de ce système, par le biais du clown, et le réduisant à une clownerie des plus absurdes ?
Je pense que je m’emporte un peu mais c’est un détail, je pense, qu’il faudrait creuser un peu.


Pour autant la vie d’Arthur est mouvementée et divisée entre s’occuper de sa mère malade (mentale) et sa vie professionnelle. Les seuls moments d’évasions notables sont ceux qui ont lieu lors de son temps de travail. Les réalisateurs ont décidé de nous montrer celui où il se fait rouer de coups par des gamins tout juste sortis du lycée...
Dur dur de s’appeler Arthur Fleck semble-t-il...


C’est donc à travers le prisme de son activité de clown que l’on va apprendre à connaître celui que l’on nommera par la suite le « Joker ». Mais la clownerie n’a pas uniquement lieu avec son métier mais véritablement dans son identité propre. Existe-t-il quelque chose de plus effrayant qu’être étranger à sa vie ? Par là j’entends que l’on comprend rapidement qu’Arthur ne jouit pas pleinement de sa propre existence. Ainsi elle parait clairement artificielle et ne l’amène pas à essayer de nouvelles choses, sinon la comédie. L’entreprise d’une idée telle que celle qui l’amène à se produire sur scène révèle une confiance en lui, certes, mais aveugle.


Dès lors, à l’inverse de ce que l’on peut croire, la psychologie du personnage se construit véritablement tout au long du film. La solitude le ronge et le pousse à chercher de l’attention vers un tiers, celui qu’il considère comme son père : Thomas Wayne. En effet, sa mère qui est malade ne peut combler son manque d’affection significatif, l’amenant même à s’imaginer une vie amoureuse avec sa voisine.
Pourtant, sa mère paraissait bienveillante à son égard.


Ce manque d’affection s’exacerbe lorsqu’il se rend compte qu’il est rejeté par une grande partie de la société. En effet, le rejet du père de Bruce rend compte d’un rejet des riches, le rejet de Murray Franklin marqué par ses moqueries s’inscrit aussi dans cette continuité. Mais le second marque une véritable rupture chez notre Joker, puisqu’il le pousse à se révéler aux yeux du monde et ainsi ne plus simplement se fondre dans la masse populaire après son triple homicide. Finalement, la comédie est en réalité un hobby qui traduit sa personnalité. Quelle comédie que de voir sa propre existence lui échapper ! Mais cela est renforcé par ce qui est présenté chez lui comme un handicap et qui révèle en réalité une part de son identité. Il est malade et a besoin d’être soigné. Mais le système est, comme dit plus haut, à bout de souffle. Il faut faire des coupes budgétaires et le social en prend par la même un coup presque fatal. Arthur ne peut plus consulter. Il est donc face à un miroir. Il se voit lui comme seule alternative à ce système qui n’a aidé ni sa mère ni lui-même. Il doit donc agir.


Dès lors, et pour conclure cette critique, je trouve ce film est fou dans la profondeur de son propos et dans la psychologie du personnage mais le film peut également s’avérer dangereux. En effet, il s’agit du film de l’univers DC ayant fait le plus de d’entrées en France. De plus, il a bénéficié d’une médiatisation accrue et beaucoup de personnes, perdues dans leur être à l’instar d’Arthur Fleck, peuvent voir en lui une forme d’alter-égo et donc pensent qu’agir serait donner une réponse aux questions qu’ils se posent, d’autant que les thématiques abordées dans ce film sont transposables à notre société.

quent_bus
8
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le 1 nov. 2019

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quent_bus

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