Je ne suis pas spécialement friand de ces grosses performances d’acteur, mais force est de constater que Phoenix incarne à merveille son personnage, en livrant une interprétation incroyablement physique et humaine. Il réussit à donner à Arthur Fleck les nuances nécessaires pour rendre relativement crédible l’évolution qui mène au climax final, aussi brutal et jouissif que dérangeant, et l’esthétique sublime à merveille cette performance, avec notamment une photographie somptueuse et une très belle représentation de la ville comme un espace froid et déshumanisant. Mais c'est là que se situe le problème : parce que Joachim Phoenix est fascinant et que le film est incroyablement beau, on a tendance à oublier le fond assez répugnant qui est distillé par le scénario qui est, si je résume : "tuer les gens qui ont l’air d’être riches est un symbole révolutionnaire pour la classe populaire ». D’autre part, le Joker, ne correspond pas à un symbole d’insurrection citoyenne. Même si il est intéressant de donner pour une fois le point de vue des « mauvais gars » et de réfléchir sur les origines de la violence, le Joker est un personnage imaginaire d’une ville imaginaire, une figure diabolique qui émerge du néant pour devenir la némésis d’un héros qui se bat contre des moulins (en soit, un mal inépuisable et infini), et en aucun cas le fer de lance des gilets jaunes ou représentation de la souffrance des démunis. Et puis, pour justifier son regard emphatique, Todd Philips se sent obligé de rendre son film manichéen, avec des riches vraiment très très méchants et méprisants, ce qui rend le propos particulièrement crétin. Et je ne parle pas de l'utilisation de la maladie mentale pour justifier la violence, qui est pourtant l'argument principal et très dérangeant de chaque attentat des suprémacistes blancs, qui se disent, comme le Joker "apolitiques".
Mention spéciale à l’humour aussi, qui prouve bien que le réal n’a pas beaucoup évolué depuis ses précédents films et ses sorties médiatiques où il se plait que « on ne peut pas faire de comédie de nos jours parce que l’on ne peut plus rire de rien sans soulever une polémique ». Et en effet, a seule situation comique du film implique un nain qui ne peut se sortir d’une situation à cause de sa petite taille. Quelle intelligence !