Un film qui vaut vraiment le détour.
L''histoire narrée dans "Judas and the black Messiah" est celle d'une Amérique divisée et menacée, celle d'un homme (peut-être providentiel, et en tout cas, très bien interpreté par le charsimatique Daniel Kaluuya) qui devient le porte voix d'un peuple et puis de tous les peuples, le catalyseur d'une émancipation politique et sociale habilement avortée (ou toujours en cours selon la perspective) mais aussi celle du mouvement (tout aussi providentiel) d' idées, d'émotions et de corps, d'hommes et de femmes, tous mûs par un même idéal de liberté et d'égalité ...(et qui aurait peut être pu faire vaciller l'élite cynique de l'époque).
Tous ? Presque tous.. car parmi eux se cache justement un traître, Bill O'Neal (interprété par un Lakeith Stanfield plus que convaincant). Un traitre sur commande et de circonstance (et non par nature), qui s'est retrouvé là presque par hasard, qui ne souhaite à priori aucun mal à ses "frères d'armes" (mais qui veut simplement s'éviter la prison). Ces valeurs et ce combat ne suscitent en lui rien d'autre que de la peur, du mépris, au mieux de l'indifférence ou de la gêne. Doté d'un talent certain pour la feinte et la duplicité, le comédien qu'il est finira par s'en sortir et on sait dès le départ qu'il ne se repentira pas. Finalement, c'est le traitre banal, celui qu'on n'a même pas la force de détester. J'avoue que durant tout le film (et même après) je n'ai pu m'empêcher de chercher dans son regard un semblant de culpabilité ou d'amour-propre ou une quelconque raison, bonne ou mauvaise, mais en tout cas honorable. J'en ai trouvé deux : un homme, de surcroit s'il fait partie des opprimés, qui n'a pas su donné, faute de conscience ou de courage, un sens politique à son existence individuelle se trahit d'abord lui- même avant de trahir sa communauté.
.. Et puis, que serait Jésus sans Judas ? Un messi qui n'est pas trahi est - il toujours un messi ?
L'écho des discours rythmés et ennivrants, entraînants et cathartiques, de Fred Hampton devant l'assemblée des libres n'a pas encore fini de résonner..