Greg McClean a conquis mon cœur depuis longtemps, et plus particulièrement depuis mon premier visionnage de Wolf Creek, alors que je n'avais que 16 ans. Une expérience de cinéma réputé de série B, pourtant agréablement surprenant quant à sa mise en scène d'une sobriété pertinente et son horreur réaliste. Mon visionnage de Wolf Creek 2 fut tout aussi plaisant, loin de concrétiser mes peurs quant à voir une suite bien loin du niveau du premier opus. J'y consacrerai un papier, mais pour l'heure, penchons-nous sur Jungle, dernier nouveau-né d'un cerveau délicieusement sordide lorsqu'il le faut, mais qui jamais ne perd de vue son objectif principal.
En castant Daniel Radcliffe et Thomas Kretschmann, je ne pouvais de toute façon qu'être comblée. J'ai découvert totalement par hasard la sortie d'un film dont j'ai dû rater la promotion (à moins qu'elle n'ait été fort discrète, ce qui ne m'aurait pas étonné). Néanmoins, les moyens sont là. Le cadre aussi. Faire revivre un genre considéré comme éculé (à savoir une énième histoire vraie d'hommes perdus dans la jungle amazonienne), avec un regard neuf et intéressant était une gageure que je considère comme fièrement relevée ici. En effet, il faut souligner le travail incroyable réalisé sur la photographie, qui ne lésine pas en moyens pour nous imprégner de l'imagerie d'une nature cruelle mais sublime, à grands renforts de plans en hauteur, de panoramas sur le fleuve ou dans la végétation luxuriante et étouffante de la dite jungle. Rien que pour cela, le visionnage sur grand écran est recommandé et apprécié comme il se doit. La finesse du travail réalisé sur la faune est tout aussi satisfaisante, et la plongée progressive au cœur de l'enfer vert est réussie sans tomber dans tous les clichés agaçants. L'introduction est rapide, et si cette précipitation tend à distiller la méfiance, on comprend vite que c'est pour nous épargner les longues scènes de dialogue fastidieuse et inutiles qui composent 95% des films où l'on sait que les personnages sont débiles et que cela va forcément mal se passer.
Ici, point de protagoniste con comme ses pompes : naïf, peut-être ; aventureux, sûrement ; prudent, suffisamment pour nous permettre de ne pas douter de leur bon sens à minima.
Si l'on en revient au casting, inutile de préciser que mon ventre palpite à chaque apparition de Kretschmann à l'écran, devenu le maître des baroudeurs en terrain difficile (Englehorne dans King Kong, Kurt dans The River ...). C'est que le bougre vieillit bien, et que ses traits inspirent un mélange toujours réussi de confiance et d'étrangeté. On sait qu'on doit se prémunir du danger représenté par le gars, mais on a quand même envie de le suivre, pour le meilleur comme pour le pire. Daniel Radcliffe persiste dans ses courageuses tentatives pour se construire une carrière au-delà de Harry Potter, et je ne peux que l'y encourager depuis ma modeste place. On sent l'envie d'un jeune acteur broyé par le star-system de faire autre chose sans se renier, et le rôle de ce jeune juif idéaliste à la Into the Wild, fragile et en quête de dépassement de soi, lui va comme un gant. Une transformation physique réussie et effarante achève de donner du crédit à son jeu, qui reste à perfectionner sans pour autant mériter l'opprobre.
Jungle n'est pas exempt de défauts. Si quelques scènes traînent en longueurs et se voient émaillées de flashbacks inutiles façon 127 heures, il faut bien avouer qu'on est pris dans l'engrenage, échec après échec, mauvaise décision après mauvaise décision. Le scénario tombe dans quelques facilités, mais il est difficile de réellement les lui reprocher, dès lors que le spectre de l'histoire vraie rôde, et coupe court à quelques éclats inventifs qu'un récit novateur aurait pu apporter. Une part de mystère plane d'ailleurs toujours au-dessus de ce témoignage, et c'est peut-être bien cela qui donne tout son sel à l'œuvre de McLean.
Foncez, ça vaut largement le coup.