Junk Head
6.9
Junk Head

Long-métrage d'animation de Takahide Hori (2021)

En regardant le générique de fin de Junk Head on constatera avec amusement que le nom de son réalisateur Takahide Hori apparaît absolument partout et pour cause puisque le film qui est le fruit de sept ans de travail à été conçu entièrement en solitaire par cet autodidacte, artisan et artiste. Takahide Hori s'est formé en regardant des films avec addiction et en apprenant des techniques de stop motion dans des livres ou sur Internet. Sept années d'un travail absolument colossal et acharné aboutissant à une petite merveille de science-fiction et d'animation. Bien sûr l'exploit et l'abnégation du réalisateur font de Junk Head une œuvre extraordinaire dans sa création, mais au delà même de sa réussite technique et de l'engagement maniaque de son réalisateur trouvant dans la solitude une liberté absolue de création, Junk Head est avant tout un excellent film.


Le film nous raconte l'histoire d'une créature qui est envoyée dans les entrailles de la terre où vivent des clones, des mutants, des robots et des créatures fantastiques afin d'essayer de retrouver les gênes de la reproduction. En effet à la surface de la terre l'humanité a trouvée l'immortalité en payant le prix fort, celui de l'impossibilité de se reproduire et de procréer.


Junk Head est pour moi un immense coup de cœur puisque le film représente absolument tout ce que j'aime dans le cinéma. Il est déjà l'œuvre d'un véritable artiste, d'un formidable passionné et amoureux fou de cinéma dont la seule école reste d'avoir bouffé des tonnes et des tonnes de films. J'ai également une grande tendresse pour le cinéma d'animation et peut-être encore plus pour les films en stop motion qui possèdent une sorte de plus-value organique et artisanale qui me transportent vers l'enfance car ils m'évoquent le plaisir de jouer et d'inventer des histoires avec des petits personnages que l'on fait évoluer au grès de notre fertile imagination de gosse . Et puis surtout Junk Head fait parti de ces films qui vous embarquent totalement dans un univers à la fois extraordinaire, fantastique et cohérent dans lequel on a envie de se plonger et se perdre loin de la réalité le temps d'une séance. On pourra toujours reproché à Junk Head la relative faiblesse de son scénario qui manque peut-être de rebondissements et d'enjeux forts et surtout d'une trame classique propre à nous embarquer totalement, mais à l'évidence le réalisateur souhaitait avant toute chose nous emmener dans un univers et dans une proposition artistique bien plus que dans un schéma habituel de film et de narration.


Junk Head nous entraîne dans un univers fait de rouille et de crasse, de longs couloirs vides de béton froid, de créatures horribles, de scientifiques fous, de mutants étranges, de poussière et de désolation, dans un monde qui depuis longtemps n'a plus vu la lumière du jour. Un monde de science-fiction entre Shinya Tsukamoto, les frères Quay et le cyberpunk dans lequel j'ai pris énormément de plaisir à me retrouver immerger dès les premières secondes. La mise en scène de Takahide Hori est ultra dynamique, inventive, presque agressive et super fluide le réalisateur ayant décidé dès le départ du projet que son animation serait à 24 images secondes et qu'il s'autoriserait absolument tous les plans dont il rêvait. L'univers de Junk Head nous plonge ainsi dans un film d'action trépidant, de science-fiction étouffante mais aussi de comédie et d'horreur et cerise sur le gâteau le film parviendra même lors de certaines scènes à nous offrir de merveilleux frissons d'émotion pour des créature artificielles d'un coup bien plus vivantes que de nombreux acteurs en chair et en os. Au détour de quelques scènes le film nous offre même des instants de cauchemars digne des moments les plus sombres de Silent Hill à l'image de la rencontre du héros avec des sortes de bébés mutants affamés et difformes dans une immense pièce sombre et foutrement inquiétante. Le personnage principale qui pourtant n'exprime que très peu d'émotions parvient à être touchant et je ne suis pas près d'oublier ses grands yeux tristes et candides de robot. Le film est renforcé par une musique électro punk ultra dynamique est saturée de basses qui renforce encore plus l'extraordinaire énergie de l'ensemble.


J'ai été totalement happé par la sombre poésie de l'ensemble, transporté par l'énergie folle de la mise en scène, grisé par cette sensation de découvrir une œuvre unique, intrigué par ce langage partiellement inventé, fasciné par cet univers glauque de larmes, de rouille, et de sang, amusé par les ruptures de tons et la candeur de certains protagonistes et ému par le triste sort de certains personnages. J'ai tout simplement adoré Junk Head.


Junk Head n'est que le tout premier volet d'une future trilogie que Takahide Hori souhaite visiblement réaliser dans les mêmes conditions de liberté absolue. S'il faut à nouveau attendre sept ans par film, on devrait pouvoir se délecter de la trilogie en 2036 en espérant être toujours là pour vibrer avec autant de passion et d'émotions pour les fous furieux qui nous offre des expériences cinématographique aussi unique et belle que celle-ci. Ne ratez pas la déflagration Junk Head en salle surtout si la prochaine comète ne passe que dans sept ans. En attendant on va continuer de regarder des films classiques et normaux...


(Critique rédigée lors de la sortie en salle mais qui s'était perdue dans les errances de la grande mise à jour chaotique du site)

freddyK
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le 27 août 2023

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Freddy K

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