Adeptes de la SF sous toutes ses formes, je vais vous parler aujourd'hui du nouveau bébé des frères Andy et Lana Wachowski. Pour les initiés, c'est toujours synonyme d'événement. Mais pour les autres... Oui, vous, là! Vous étiez où entre fin 99 et maintenant ? Dans une cave ? ?


Plus sérieusement, voici un petit rappel utile au sujet de cette paire de réalisateurs qui, de son sceau, a marqué au fer rouge l'univers de la SF mainstream, passant ainsi instantanément cultes dans la sous-culture geek !


Je sais... Ils ne payent vraiment pas de mine sur cette photo. Et pourtant...


Nous sommes en 1996 : Andy (au premier plan) et son frangin Larry réalisent leur tout premier long métrage, qui n'a certes aucun rapport avec la science fiction. Il s'agit de "Bound", un film de gangsters plutôt réussi mais qui aurait tendance à passer à la trappe compte tenu de ce qui suit...


...Car ces deux mecs sont responsables de l'une des trilogies les plus retentissantes de la fin du XXème Siècle : j'ai nommé "Matrix".


Encore aujourd'hui, "Matrix" est considéré comme l'une des oeuvres de SF majeures de son époque. D'une part parce qu'elle racontait une histoire originale jamais envisagée sous cet angle au cinéma, et d'autre part, parce qu'elle a largement contribué à façonner le paysage actuel de la 3D. Pour ce premier opus, les frères Wachowski ont raflé pas moins de 10 récompenses en cette bonne vieille année 2000, dont 4 Oscars pour le meilleur montage, les meilleurs effets visuels, ainsi que meilleur montage et mixage sonore. Matrix, c'est deux heures de pure SF portée par une trame philosophique élaborée et sacrément bien écrite. Le tout animé par un casting de choix, des séquences visuelles époustouflantes gavées de références en tous genres. En deux mots, Matrix raconte l'histoire de Thomas Anderson, jeune programmeur informatique solitaire, connu sur le net sous le pseudonyme de "Neo", et dont la vie bascule le jour où il apprend que sa vie, et celle de tous les êtres humains sur Terre d'ailleurs, n'est en réalité qu'une gigantesque illusion virtuelle générée par une super intelligence artificielle qui a asservi l'humanité.


Je ne m'attarderai pas outre mesure sur les deux suites qui ont été proposées quelques années plus tard, lesquelles ont souffert d'une image instable aux yeux du grand public, pour son opacité scénaristique et son côté inutilement bavard (le monologue de l'architecte...). Mais nul ne peut nier que la trilogie Matrix forme une oeuvre cohérente mue par une identité visuelle toute personnelle, et qui a conquis le coeur de millions de fanboys à travers le monde. Et si je vous parle de Matrix, c'est parce que la critique qui va suivre va m'obliger à revenir dessus...


Pour votre culture personnelle, les frères Wachowski (devenus frère et soeur puisque Larry est devenue Lana en 2009) ont également réalisé l'anecdotique "Speed racer", puis l'incompris "Cloud Atlas", sorti en 2012, avant de faire un véritable come back cette année, avec "Jupiter ascending" ainsi que la série TV "Sense 8", dont je parlerai bientôt ici.


"Jupiter : le destin de l'univers" (perso, je préfère le titre original "Jupiter ascending") s'ouvre sur une mystérieuse séquence introductive au cours de laquelle les parents de l'héroïne centrale sont attaqués par des voleurs plutôt violents. Les choses tournent mal, et ainsi apparaît Jupiter, une jeune femme tout à fait ordinaire qui travaille en famille comme femme de ménage chez de riches propriétaires. Un destin affreusement banal qui cache en réalité tout à fait autre chose, que la jeune femme ne soupçonne même pas...


...Car Jupiter Jones est en fait l'héritière légitime d'une partie de l'Univers, dont la Terre, qui ne représente qu'une infime partie d'une vaste industrie inter planétaire, dirigée par une royauté impitoyable. La mauvaise nouvelle, c'est que la Terre est une ferme. Une ferme dans laquelle les dirigeants peuvent décider de moissonner à volonté lorsque le besoin se fait ressentir. Conscients que Jupiter Jones constitue une menace potentielle à leur hégémonie, les jeunes héritiers en place cherchent donc à la faire éliminer. Mais un jeune guerrier hybride, de la race des Lycantiens, s'interpose et sauve la vie de la future Reine des Abeilles...


Je dois dire que mon sentiment vis à vis de ce film est assez partagé. D'un côté, il y a beaucoup de choses qui me plaisent. Autant y aller franco, "Jupiter ascending" est un space opera pétaradant, aux effets visuels inventifs et souvent éblouissants. Bien que l'intrigue a souvent tendance à piétiner en explications scientifiques brumeuses et inutilement compliquées (notamment s'agissant du patrimoine génétique), une mise en scène rythmée, une bande-son excellente, et quelques trouvailles narratives rafraîchissantes suffisent à maintenir l'intérêt du spectateur.


Visuellement, c'est vraiment chiadé. On plonge tête la première dans cet univers qui sait rester crédible (du moins à mes yeux). On ne peut néanmoins pas vraiment parler d'originalité, car le film se contente de piocher ici et là dans de nombreuses références, parfois même à la limite du caméo visuel (j'y reviendrai). Que ce soit dans l'esthétique des cités spatiales, du bestiaire des monstres, ou même des différents vaisseaux, on notera certaines ressemblances plus ou moins frappantes avec d'autres long métrages : "Star wars" (difficilement évitable) pour la séquence finale faisant penser à l'affrontement sur la planète Mustafar, "Les chroniques de Riddick" pour les costumes des héritiers royaux, ou encore "Thor" pour l'esthétique de la cité d'Asgaard.


Alors maintenant, le casting. Globalement très bon, l'affiche est juteuse. Mila Kunis, Channing Tatum, Sean Bean. Un trio expérimenté. Bien que peu causant, Tatum, alias "Magic Mike", affiche un gros charisme dans le rôle du chasseur hybride lycantien. Sean Bean, son compagnon d'arme, est fidèle à lui-même comme dans la plupart de ses rôles. Le casting secondaire montre lui aussi d'excellentes qualités. Je pense à Eddie Redmayne, qui interprète l'inquiétant et impitoyable Balem Abrasax.


J'aurai néanmoins un avis plus mitigé s'agissant de Mila Kunis. Sur le papier, la jeune femme un peu naïve doit se muer en une femme de pouvoir, une héritière Abrasax d'une partie de l'univers. Or, on ne peut pas vraiment dire que son personnage évolue beaucoup. Kunis conserve quasiment la même tonalité du début à la fin, et se contente de subir les événements sans jamais laisser éclater ses émotions. Est-ce du à l'écriture trop plate du personnage ou bien à son interprétation, trop lisse pour convaincre ? Difficile d'être formel mais je pense que c'est un peu les deux. Quoiqu'il en soit, Jupiter Jones m'a laissé sur ma faim et c'est dommage compte tenu du fait qu'il s'agit du personnage central du film. Un point, cependant, qui vient un peu raviver le tableau : il concerne l'histoire d'amour entre Jupiter et Caine. J'ai apprécié l'idée de faire courir la fille après le garçon, alors qu'elle est supposée être une personnalité importante et lui un simple soldat. Ca redonne du piment au personnage de Mila Kunis, même si cela ne suffit pas à la rendre suffisamment consistante.


A mon sens, là où le film pêche sérieusement, c'est au niveau de l'intrigue. Mon impression générale est que ce film n'est en fait qu'un gigantesque et très luxueux papier cadeau qui, en réalité, n'abrite rien de plus à l'intérieur. Sur la forme, même si on peut trouver qu'il pompe des idées un peu partout (difficile d'être original en SF, de nos jours!), Jupiter remplit son office avec brio en proposant un divertissement visuellement bluffant, percutant et sans temps mort. Néanmoins, tout ceci n'est qu'un habillage puisque l'intrigue n'a pas vraiment de finalité autre que les gentils gagnent, les méchants perdent. Pas de réelle proposition dramatique puisque l'aspect "Cendrillon" de Mila Kunis devenant reine n'est pas du tout exploité. Le héros joué par Tatum n'a pas de finalité en soi lui non plus. Il n'a pas de quête propre et se situe mal dans l'intrigue. Et tous les détails scénaristiques apportés au fil de l'histoire ne sont que palabres, sans jamais apporter d'eau au moulin du propos du film. Pourquoi? Parce que Jupiter ascending n'a pas d'autre propos que celui de décrire une grosse baston spatiale. Là où Star wars avait un véritable fil conducteur politico-familial, Jupiter se perd dans des considérations génético-patrimoniales sans proposer une histoire claire et facile à suivre.


J'en viens enfin aux nombreux caméos dédiés à Matrix, qui jonchent selon moi ce film. Le premier, et plus important, se situe au niveau du scénario en lui-même. La description de la Terre utilisée comme une ferme dont on moissonne la matière première (ici, les humains), fait largement penser à l'humanité emprisonnée par les machines, qui aspire l'énergie bioélectrique de chaque être humain pour s'en nourrir indéfiniement. Dans "Jupiter ascending", Titus fait visiter une sorte de chambre froide à Jupiter, dans laquelle sont stockés des tonnes de réservoirs contenant de la biomasse humaine. Le clin d'oeil de l'être humain utilisé comme une denrée est ici flagrant.


Le second clin d'oeil se situe au niveau des personnages. Dans Jupiter, l'héroïne est considérée comme une héritière légitime, une élue, et ce, à son insu puisqu'elle ne soupçonnait pas cette existence au milieu de sa vie banale. Et elle tombe amoureuse de son protecteur, Caine.


Dans Matrix, Neo ne connait lui aussi que sa vie banale, triste et répétitive. Il n'apprend l'existence de la matrice que lorsque Trinity, chargée de veiller sur lui, vient lui révéler la vérité. Et là encore, l'élu tombe amoureux de celle qui le protège.


Certains éléments du film m'ont également furieusement fait penser à Matrix. Et notamment, il y a les impacteurs jaillissant du vaisseau royal, et qui font penser aux sentinelles attaquant Zion dans Matrix. Il y a également les armures-mécha, que l'ont voit dans "Matrix revolution" et qui sont représentées dans Jupiter par des machines ailées dirigées exactement de la même façon.


CONCLUSION :
"Jupiter ascending" ne manque ni de spectacle, ni de puissance. Il divertit sans problème et remplit le cahier des charges du blockbuster familial à n'en pas douter. A une exception près : le film a malheureusement le même défaut que les deux derniers Matrix de la trilogie : un propos scientifico-scientifique inutilement pompeux qui sert plus à meubler et justifier l'action, qu'à délivrer une véritable intrigue soignée. Les fanboys retrouveront avec plaisir les références ciblées de l'oeuvre majeure des Wachowski, mais cela suffit-t-il à convaincre ? A mon sens, non car il manque à "Jupiter ascending" le plus scénaristique qui aurait pu le faire passer la case "A ne pas manquer" à la case "Bien mais perfectible"...


VOIR LA REVIEW SUR MON SITE :
http://www.unoeilsurlecran.com/#!jupiter--le-destin-de-lunivers/c23w9

Ri_Tchy
6
Écrit par

Créée

le 30 août 2015

Critique lue 517 fois

Ri Tchy

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