Avant toute chose il faut savoir qu'étant un grand fan de Jurassic Park, principalement des deux premiers, cela faisait quatorze ans que j'attendais ce film. Quatorze ans que j'attendais que l'affront qu'avait constitué le troisième épisode dans mon coeur soit lavé. Ma licence préférée, transformée un bête survival décérébré, certes pas totalement mauvais mais complètement inutile ? Sérieusement ? J'attendais donc, très fébrilement certes mais avec impatience un quatrième volet et comme tous les fans, j'espérais qu'il soit au moins meilleur que le troisième.


Or Colin Trevorrow est, lui aussi, un fan de la saga. Et ça se voit. Beaucoup, même. Si bien que tout le film, Trevorrow va tenter de faire oublier le troisième épisode, en le critiquant même ouvertement par le sous-texte du film et des plans frisant bon le règlement de compte avec Universal. Mais alors qu'il aurait pu s'arrêter là, ce réalisateur issu du cinéma indépendant va multiplier les références et les clins d’œil au premier volet, au risque de sembler faire une crise d'épilepsie. Chaque plan peut avoir un écho avec le premier volet, chaque élément dans le champs ressemble à une référence... Là est peut-être le principal défaut du film, car en s'appuyant trop sur ces éléments le film-hommage se transforme en copié/collé. Lorsque le film vous donne des coups de coude toutes les deux secondes en criant dans vos oreilles "Et t'as vu ? C'est comme dans Jurassic Park", c'est parfois désagréable. Certaines références, plus subtiles, sont elles beaucoup plus amusantes, mais insistent sur le côté redondant. Dans tous les cas, ce fan-service omniprésent est certes too much, il n'en reste pas moins plaisant par moment, surtout pour les fans de la première heure.


On pourra aussi reprocher au film la surenchère de la fin, des CGI trop présentes et parfois un brin décevantes (rarement tout de même), du au manque d'utilisation d'animatronics, des clichés omniprésents eux par contre, une photo pas forcément somptueuse, le changement de ratio laborieux et le manque de scènes ou de dialogues réellement cultes.


Mais là où le film excelle, c'est étonnamment sur les nouveaux éléments qu'il introduit. Déjà, le parc OUVERT et surpeuplé qui part en cacahuète, c'est un rêve de gosse qui se réalise (qui ne s'était jamais demandé "et si le parc était plein lors des événements de Jurassic Park" ?). Les nouveaux personnages introduits sont assez attachants et plus profonds qu'ils en ont l'air malgré leur côté un peu cliché (l'ado rebelle, la fille coincée, la mère apeurée, le jeune fan de dinosaure, le nostalgique, le méchant attiré par le profit...). Si Chris "Owen" Pratt est un ancien militaire beauf cliché d'actionner américain ; Bryce "Claire" Dallas Howard se révèle beaucoup moins nunuche qu'elle en a l'air au début du film et les personnages secondaires sont (presque) tous super bien traités (Masrani, Howard, Lowery, les deux gosses qui sont pour moi les meilleurs de la saga,...). Même les dinosaures sont attachants, c'est dire, et même plus "humains" que jamais.


Le film n'est pas aussi sombre que les deux premiers, l'ambiance n'est pas aussi pesante (et c'est peut-être dommage, j'aime les scènes angoissantes en intérieur ou dans la nuit noire et pluvieuse), mais il est réellement plus violent (morts plutôt chocs d'humains et de dinosaures, plus que dans les précédents volets), les rythme est plus élevé et la tension des scènes d'action très forte.


La musique de Michael Giacchino est incroyablement réussie, mélange d'influences du meilleur des compositions de John Williams faites pour les deux premiers volets et d'une identité propre, insufflée par le compositeur et qui se révèle magistrale. Il y a aussi de vraies trouvailles de mise en scène dans la réalisation par moment.


Un mot aussi sur l'humour du film, qui se veut comme un vrai Summer Movie. Il n'est pas trop lourd, vachement sympa et la salle était morte de rire (et moi aussi). J'ai été surpris par le talent qu'avait le réalisateur d'arriver à désamorcer une très forte tension par une petite scène qui fait mouche. Ce qui pourrait être vu comme un défaut se révèle au final très plaisant, et le film ne se prend pas au sérieux comme un JPIII par exemple.


Les idées scénaristiques neuves sont quant à elles une totale réussite. Le dressage de raptors qui me faisait si peur est au final super bien exploité, c'est LA trouvaille du film. Mais la principale force du film, c'est l'Indominus Rex. Outre bien sûr la sempiternelle critique de l'homme qui veut maîtriser la nature et qui se prend pour Dieu (ce qui lui retombe toujours dessus), celui-ci se veut comme une critique de l'industrie du cinéma Hollywoodien qui cherche à faire toujours plus imposant, toujours plus cher, toujours plus gros, toujours plus beau, mais aussi des spectateurs d'aujourd'hui, qui ne se déplacent que pour en prendre plein les yeux et qui s'est lassé du spectacle qu'on lui propose (comprenez du Jurassic Park de '93, qui n'a plus rien d’impressionnant pour les jeunes aujourd'hui). Tout en jetant son venin sur les parcs d'attraction et les attraction à sensations fortes, le film va même jusqu'à ratisser plus large en lançant des piques pèle-mêle à Apple, au monde de la publicité, à nous tous qui passons notre vie sur nos smartphones au lieu de regarder le monde qui nous entoure, et aussi... à la licence Jurassic Park ! Le film a un regard très critique sur lui-même (qui cohabite avec ce culte qu'il semble vouer au premier) : sur le troisième volet, sur les premiers scénarios de JP4 (l'utilisation des dinos comme machine de guerre) mais aussi sur ce qu'est Jurassic World : un blockbuster hollywoodien qui lui aussi veut faire "toujours plus gros toujours plus de moyen" pour attirer le chaland (avec l'Indominus Rex, vivement critiqué par certains personnages du film pour son nom et son concept), qui lui aussi use et abuse des placements de produit (en critiquant le monde du marketing en même temps, je le répète) et qui lui aussi perd en authenticité en troquant ses animatronics contre des CGI (tout comme les gérants du parc qui se mettent à inventer de faux-dinosaures pour faire plus d'entrées). Tout cela, Trevorrow l'exprime à travers le personnage de Lowery, un fan du premier park, comme lui, et le personnage de Chris-Owen-Pratt-Amagad-il-est-trop-cool, mais aussi des dinosaures, vecteurs du message.


En résulte un méta-film à la fois étrange et fascinant, entre nostalgie démesurée du premier volet et message cynique, voir hypocrite, de dénonciations des écueils du cinéma d'aujourd'hui au travers d'un blockbuster qui semble, en apparence, faire les même erreurs. La mise en abyme ultime en quelques sortes.


Mais même sans se casser la tête, Jurassic World est un bon blockbuster, entre grand spectacle, humour, violence et valeurs familiales classiques, avec de gros défauts et quelques qualités, beaucoup d'idées recyclées et de nouvelles trouvailles réjouissantes, qui remet la saga sur de bons rails, même si c'est loin d'être parfait.


Ça valait la peine d'attendre ? Ça on le saura en voyant la suite de cette nouvelle trilogie.

Hugo_Sciara
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le 11 juin 2015

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Major Chuzy

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