Lorsque nous sommes enfants, il nous est inconcevable de ne pas rêver, de ne pas fantasmer sur une figure héroïque comme les supers-héros par exemple. Néanmoins, outre ces figures imaginaires, l’enfant que nous avons été a toujours cherché un endroit où il pourrait échapper au monstre caché sous son lit, ou aux vilains cauchemars qui hantaient ses nuits. Et cet endroit était souvent dans les bras protecteurs de ses parents. Ces derniers, à l’origine de notre existence, sont les piliers fondateurs de la vie d’un enfant et leur rôle est donc primordial dans le long chemin de l’apprentissage de leur progéniture. Mais que se passerait-il si un des deux membres du couple finirait par quitter le devant de la scène pour terminer dans l’ombre ? Que se passerait-il si l’ogre tant redouté par l’enfant finirait par prendre la forme d’un de ses propres parents ? Que lui resterait-il à part la peur constante de rentrer chez lui tout en devant jongler entre la dure vie de la garde alternée ? C’est ce que Xavier Legrand nous montre habilement avec son premier film choc : Jusqu’à la garde.


Premier film réalisé par Xavier Legrand, Jusqu’à la garde est un drame intense sur les violences conjugales dont le visionnage ne vous laissera pas indifférent. Récompensé à plusieurs reprises, dont à la Mostra de Venise 2017 pour la meilleure mise en scène et le meilleur premier film, ce nouveau drame français débarque dans vos salles dans la plus grande discrétion. Ce n’est seulement qu’après 1h33 de visionnage que l’on peut affirmer que Jusqu’à la Garde a tout pour être un des plus gros chef-d’oeuvre de ce début d’année.


Car si au premier abord l’intrigue peut sembler banale, cette dernière ne fait que renforcer la puissance émotionnelle de ce film. Les performances du casting proposé par Xavier Legrand contribuent fortement à nous enfermer dans une bulle oppressante et agressive qui vous prend à la gorge dès les premières minutes du film. La figure de la mère fragile et protectrice jouée par Léa Drucker est opposée à celle du père abandonné par sa propre famille joué par Denis Ménochet, dont on ne cernera les véritables intentions que très tard dans le film. En effet, toute l’intelligence du scénario repose sur un dilemme de taille : faut-il vraiment croire les propos de victime de la mère, quand Xavier Legrand nous montre un père de famille meurtri et rongé par les remords ? Néanmoins, ce n’est seulement qu’à la scène finale que le spectateur peut se sentir honteux d’avoir eu à remettre en question l’honnêteté de la mère Besson.


Cependant, entre ce couple divisé se trouve deux enfants : Joséphine, et Julien, 11 ans joué par le jeune et charismatique Thomas Gioria qui est sans doute la révélation de ce nouveau drame. Son talent est réellement mis en avant lors des scènes tournées dans la voiture de son père, où les deux protagonistes se livrent un duel de résistance qui arrive à nous mettre fortement mal à l’aise. Xavier Legrand utilise fréquemment le gros plan pour montrer la douleur, la colère et les rares traits de joie des personnages. En effet, les divers plans de caméra utilisés dans ce film sont d’une importance capitale pour saisir les véritables émotions des personnages. De plus, il faut savoir que le son est également très travaillé. Les stridents bruits de klaxon rappellent subitement au jeune Thomas qu’il doit retourner chez son père, ce qui évoque bien sûr un dur retour à la réalité pour l’enfant, qui a pourtant fait connaître un refus catégorique de revoir son père. Mais dans ce genre de situation, les souhaits d’un enfant de 11 ans ne sont rarement exécutés. Enfin, une des scènes les plus marquantes du film reste la scène de l’anniversaire, où les chuchotements étouffés par la musique laisse supposer une menace grandissante qui vous tient en haleine durant la totalité du passage.


Jusqu’à la garde installe donc un profond malaise et une certaine impuissance dans l’esprit du spectateur jusqu’à une scène finale tournant au film d’horreur et pouvant potentiellement être comparée célèbre Shining de Stanley Kubrick. C’est donc avec une patte artistique digne des réalisateurs de renom que Xavier Legrand nous offre un premier chef-d’oeuvre dont je vous l’assure, ne vous laissera pas indemne.

CroustibatCiné
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le 21 mars 2018

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