Pour son premier long-métrage, Xavier Legrand frappe fort: alors que souvent l'on commet l'erreur nubile de vouloir en dire trop et de se perdre, lui ne filme aucun plan superflu, chaque détail s'inscrivant pleinement dans sa syntaxe, le tout étant intelligemment agencé et faisant uniformément sens.


Abordons d'abord l'excellent travail sur les sons hors-cadre: martèlement des talons dans les couloirs du tribunal (marquant un rythme déjà inquiétant, annonciateur de la tension latente constante dans laquelle baigne le film), vrombissement animal du moteur de la voiture d'Antoine (le père) et crissement des pneus le situant entre le taureau enragé soulevant la poussière et l'ours fonçant sur sa proie, silence nocturne à peine perturbé par le tremblement sonore provoqué par la cage d’ascenseur lors de la scène finale, … Ces sons participent à créer cette ambiance implacable suintante de tension, prenant à la gorge, angoissante à souhait.


Cela s'inscrit dans une partition parfaitement maîtrisée où le rythme devient essentiel, car en déroulant par petites touches le drame social qui se noue et la tragédie qui guette, le tout coupé d'intervalles de paix (quoique toujours menacée), il dessert à merveille la scène finale qui explose à la fin de ce crescendo inarrêtable.


Cette scène finale, tout le monde s'en rappellera tant la force émotionnelle est incommensurable, plus qu'effrayante qu'un film d'horreur auquel on a du mal à croire, horripilante comme seule peut l'être la réalité.


Nous y noterons le parti pris du cinéaste (jusqu'à alors plutôt neutre comme le suggère le point de vue proche de la juge dans la scène liminaire, donnant alors sa chance à Antoine) qui se range pour des raisons biologiques du côté de la mère comme le signifie le symbolisme de la fusion des corps dans la baignoire, avec un retour à la position fœtale dans cet univers potentiellement liquide, où mère et enfant sont indissociablement liés.


C'est donc un film remarquable, avec des acteurs tous excellents (même les personnages secondaires), parfaitement dirigés, en particulier Antoine et son fils, bluffant de maturité, que nous livre Xavier Legrand.

Marlon_B
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2018

Créée

le 9 juil. 2018

Critique lue 193 fois

1 j'aime

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 193 fois

1

D'autres avis sur Jusqu'à la garde

Jusqu'à la garde
blacktide
8

Dans le silence de la loi

Il est des premiers films qui marquent le cinéma par leur intensité. Des films qui vous happent par surprise. Pour le plaisir du geste, et pour l’émotion à l’impact. Jusqu’à la Garde n’est pas...

le 1 févr. 2018

84 j'aime

24

Jusqu'à la garde
Velvetman
8

Loveless

Par sa mise en scène dans laquelle l’image se fait froide et déstabilisante, Jusqu’à la Garde de Xavier Legrand se mue en un immense morceau de cinéma. Déroutant car complexe, le film se veut être...

le 7 févr. 2018

80 j'aime

7

Jusqu'à la garde
voiron
8

Critique de Jusqu'à la garde par voiron

Le couple Besson divorce et se bat pour la garde de leurs deux enfants. Ou plutôt pour celle du plus jeune, Julien, puisque sa soeur a bientôt dix huit ans.. Pour protéger son fils Julien d’un père...

le 18 févr. 2018

69 j'aime

13

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11