K-Shop
5.8
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Film de Dan Pringle (2016)

My big client. My sauce samouraï. My big vengeance. My mauvais film. Hummmmm !!!

Le fils d'un maître kébabier qui se la joue vigilante suite à la mort de son daron en faisant des broches surprises avec ses ""ennemis"". Impossible de ne pas sourire à la lecture du synopsis, et pour ma part d'imaginer les échos d'un TheKAIRI78 survolté : "My big client. My sauce samouraï. My big vengeance. My mauvais film. Hummmmm !!!". Et pourtant K-Shop n'est ni un délire de série B à prendre au second degré ni même une production nanardesque drôle à son insu. C'est simplement un film mauvais, manichéen, qui se prend beaucoup trop au sérieux, dirigé par un réalisateur multipliant les rétropédalages narratifs, par peur de la radicalité des chemins qu'il entreprend et/ou par manque de talent d'écriture (plutôt "et" en fait).


Déjà, je suis assez déçu par sa mise en place expéditive et mécanique. Salah reprend donc le restaurant de son père suite à son agression et se retrouve lui-même confronté à des clients torchés et irrespectueux. Un soir, sa frustration grandissante va déraper en un meurtre accidentel qui nous permettra d'admirer la belle prothèse d'un mec à moitié brûlé après avoir bu la tasse dans la friteuse. S'en suit l'idée géniale qui donnera tout le concept du film : le façonnage d'une magnifique broche d'agneau spécial, seule fulgurance gore du film ! Et histoire de justifier le slogan du film, "You are what you eat", cette viande exceptionnelle sera réservée aux connards de service venant venir l'embêter...et qui va bien sûr trouver la viande succulente. Un beau cercle vertueux.


C'est à ce moment précis qu'on se rend compte de deux choses. La première c'est que le concept a beau être sympathique sur papier, il n'est absolument pas cinégique. C'est-à-dire que Dan Pringle a beau multiplier ses effets pour appuyer le passage clé de la dégustation, à aucun moment il n'a réussi à installer les prémisses d'un malaise ni à insuffler un semblant de crédulité à la situation. C'est plat et la sauce ne prend pas. La deuxième c'est qu'il est surtout très limité. Au bout de trois fois, ça commence déjà à devenir un peu chiant tellement ça tourne en rond. Mais heureusement, Pringle a fini par le comprendre. Une ellipse de 7 ans plus tard...il est bien parti pour s'enfoncer sur un terrain moins attendu, mais beaucoup plus glissant.


Le réalisateur s'est en effet investi de la lourde mission de faire l'autocritique du Royaume-Uni et des excès de sa culture de l'alcool. K-Shop est parsemé de multiples séquences de rosbifs totalement pétés en train de forniquer à l'angle d'une rue ou de vider joyeusement leurs tripes ici et là. 65% sont d'entre elles sont d'ailleurs des prises réelles. Pour s'emparer de ce phénomène et l'intégrer dans son intrigue, il utilise des ponts qui me paraissent hautement maladroits. Si le premier meurtre était parfaitement accidentel, les suivants étaient toujours justifiés par des propos xénophobes bien appuyés. Pendant une très longue partie du film, Salah agit comme un "justicier" froid et calculateur et l'ensemble des situations sont tournées pour lui donner entièrement raison. Un jeune fils d'immigré, thésard en économie, se projetant à l'ONU, lecteur assidu de Diplomatie d'Henry Kissinger, doté de bonnes valeurs morales, qui vient donner des "leçons" au peuple dépravé et raciste qui l'empêche de vivre ses aspirations et bride ses ambitions. Carrément.


Le problème c'est que les images montrées vont à l'encontre de ce parti pris. J'ai eu plus pitié de ce peuple malade obligé de se torcher pour "faire la fête" et oublier leur quotidien que pour ce justicier du dimanche. L'inacceptable appendice raciste rajouté ne me paraissait pas suffisamment proportionné pour justifier ces actes. Juste après ce film, j'ai vu le cultissime Vigilante de William Lustig. La différence était bien nette. L'acte impardonnable de la scène d'ouverture justifiant bien plus facilement tout l'emballement hystérique de violence qui en découlait. Ici tout est flou... D'autant que la persistance de la situation ne tient pas une seconde. Rien ne l'oblige à rester dans le Kebab et à se confronter à ces déchets humains qui l'énervent autant.


Une fois deux bons tiers passés, le film tente de faire quelques pas en arrière en tentant une rupture de ton sortie du chapeau, Salah devenant d'un coup un psychopathe cabotinant. Il en profite aussi pour introduire une Némésis tout aussi grotesque. Et cette fois-ci ils en font des caisses pour montrer qu'il s'agit du grand vilain. Un méchant capitaliste, propriétaire des temples de la déchéance (night-club) du quartier, agresseur sexuel, initiateur d'un nouveau club dans une ancienne Église qu'il utilise aussi pour planquer de la drogue derrière une porte au code d'accès "666". Le tableau d'ensemble est très manichéen et caricatural. Même si des pointes d'humour faciles (sonnerie loufoque en plein interrogatoire musclé, costume de canard toussa toussa) viennent arrondir les angles, le traitement reste globalement étonnamment assez sérieux.


Je ne vais pas m'appesantir sur les multiples autres directions avortées (une amourette, un "Robin" non exploité...) ni sur le climax qui tente de jouer sur la corde sensible... Je dirais simplement que ce film est un gros foutoir au scénario mal maîtrisé qui aurait peut-être pu mieux fonctionner en court-métrage.

GigaHeartz
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le 2 oct. 2016

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