Critique : Kick-Ass 2 (par Cineshow.fr)
Mis en chantier cinématographique avant même d’être terminé au niveau du comic, Kick-Ass premier du nom avait su créer la surprise en 2010 en prenant le contre-pied des films de super-héros pour proposer une approche plus réaliste et générationnelle du concept du « vigilante auto-proclamé ». Avec sa violence assumée calquée sur les images illustrées par John Romita Jr dans le comic (écrit par le non moins célèbre Mark Millar), le film de Matthew Vaughn se démarquait surtout des productions standardisées par une totale liberté artistique et un esprit très rebelle né d’une production tout sauf simple en raison de l’OVNI que le projet représentait. Rendez-vous compte (à l’époque), ce n’était pas gagné de trouver des investisseurs misant sur un film idolâtrant une gamine de 12 ans, des jurons pleins la bouche et des katanas trempés du sang de têtes qu’ils venaient de trancher. Aujourd’hui, le concept est connu, les personnages identifiés et devant le succès tant en librairies du comic que du film en salles (100 millions de dollars recettes dans le monde pour un coût de production de 30 millions de dollars), la suite n’était qu’une question de temps. La question était de savoir si cette suite à nouveau basée sur le comic (volume 2) allait marcher dans les traces de son prédécesseur ou non. Car dans le projet Kick-Ass 2 résidait une sacré inconnue et source de risques, le changement de réalisateur. Passer du talentueux Matthew Vaughn à Jeff Wadlow (Cry-Wolf et Never Back Down) avait de quoi inquiéter les foules d’autant que le bonhomme s’était également retrouvé chargé d’écrire le scénario. Parano ou craintes justifiées, la réponse ci-dessous.
Kick-Ass 2 nous propulse 3 ans après les incidents de New-York, lesquels virent le personnage de Big Daddy trépasser et le chef de la mafia, Frank D’amico, se faire atomiser au bazooka par Kick-Ass. La notion de temps a été allongée vis-à-vis du comic pour être cohérent avec l’évolution des comédiens, et notamment de Hit Girl désormais en pleine adolescence. En s’appuyant tant sur le volume 2 du comic que sur le volume « à part » dédié à Hit Girl, Jeff Wadlow propose une histoire assez fidèle à celle écrite par Mark Millar. On pourra juger la qualité de cette dernière discutable sur le fond du discours (contrairement au volume 1) mais malgré tout, le matériau n’est pas trahi. A cela près que Wadlow n’est pas Vaughn ni Jane Goldman (scénariste du 1), et que ce dernier applique une recette assez classique pour son adaptation, sans véritablement se l’approprier. Si quelques digressions et ou changement sont à noter, ils sont essentiellement dus à des contraintes économiques (notamment pour obtenir un rating qui ne soit pas rédhibitoire pour la sortie en salles), mais aussi logistiques, la scène finale de la grande baston étant celle à le plus pâtir du changement. On retrouve donc les personnages –encore vivants- du premier film auxquels viennent s’ajouter une batterie de nouveaux super-héros auto-affirmés pour créer le mouvement de Justice Forever (brigade de rue emmenée par le colonel Stars and Stripes campé par Jim Carrey).
Une ligue peu nombreuse en nombre mais qui sera amenée à affronter le groupe des supers-vilains de Red-Mist devenu entre temps The Motherfucker (ca ne s’invente pas), le temps d'enfiler un costume SM en latex. Et entre l’évolution de ces deux entités dans l’histoire, Mindy McGrady alias Hit Girl. Conscient de l’affection envers le personnage du public, Wadlow double voire triple son temps de présence (justifiant ainsi l’introduction de segments du comic lui étant dédié) pour en faire quasiment le personnage principal du film ou du moins, le plus développé. Si son excentricité et sa radicalité demeurent intacts, le personnage passe du statut d’enfant à celui d’adolescent avec la panoplie de sujets à adresser qui vont de paires. Et si par instant le film tire vers les stéréotypes éculés du teenage movie, ce n’est que pour le prendre –peut être trop facilement d'ailleurs-à contre-courant et humilier la génération biberonné à la musique de One Direction et aux magazines type Jeune & Jolie. Cela donne quelques séquences assez savoureuses (quoi que souvent vulgaires) de tentatives avortée d’intégration de Mindy au sein du groupe de pouffiasses blondes du lycée, où quand la culture de Kick-Ass bourrin et vulgaire rencontre celle de High School Musical...
Mais cette volonté salutaire de nous donner à voir plus de Hit-Girl n'a pas que des avantages, cette dernière cannibalisant d'autant Kick-Ass, beaucoup plus en retrait en dépit de son statut de personnage théoriquement principal. Ce dernier semble plier trop souvent l’échine devant une panoplie de personnages plus intéressants que lui, Wadlow n’arrivant jamais vraiment à travailler tant Dave Lizewski que son alter-égo masqué comme il le devrait. D’un personnage looser ayant pris son destin en main et permettant de questionner la condition du héros dans notre société, le nouveau réalisateur ne conserve (peut-être involontairement) que le côté ultra basique de la chose, et propose une version du personnage bien moins intéressante qu’au sein du précédent film. Un problème sans doute renforcé par l’absence de figure masculine adulte extrêmement forte, exception faite de Jim Carrey qui excelle dans le rôle, mais qui n’est finalement qu’une anecdote au sein d’un long-métrage bien plus long. Big Daddy (Nicolas Cage) étant mort, le père D’amico (Mark Strong) aussi, on se retrouve uniquement avec des ados ou post-ados se mettant violemment sur la gueule tant et si bien que parfois, le manque d’intensité dramatique se fait un peu ressentir. Wadlow choisi le ressort humoristique comme arme systématique, provoquant un réel déficit d'émotion y compris quand la situation l’impose. Heureusement pour nous, le coté méchant est plus convaincant que la Justice Ligue avec ses ex-tolards fadas aux noms de scènes franchement racistes (un personnage le fera même remarquer dans le film). The Mother Fucker est une version supérieur à Red Mist, le même mais avec de sérieux fils qui se touchent, tant et si bien que ses excès de folie et sa propension à n’avoir aucune limite en font l’un des personnages les plus barrés et intéressants à suivre du film.
Malgré une réalisation en deçà des attentes et un manque notoire de scènes iconiques comme le premier film pouvait en avoir en nombre (le meurtre de Bid Daddy film dans le noir et visible uniquement via les flash des revolvers, ou l’entrée de Hit Girl dans l’hôtel avant le fight final), cette suite ne déshonore pas le travail fait par Matthew Vaughn trois ans plus tôt. Handicapé malgré tout par quelques problèmes de réalisation, des scènes d’action parfois brouillonnes et une musique orchestrale moins percutante (malgré la reprises des thèmes), le film de Jeff Wadlow délivre son quota de fun, de catchline faciles mais qui font plaisir (d’autant plus dans la bouche d’une ado de 15 ans) et de combats. On regrettera en revanche l’inversion proportionnelle de violence entre les comics et les films. Alors que le premier film n’hésitait pas à tuer en masse, le second se révèle bien plus réservé. Un choix que l’on imagine facilement avoir été imposé par le studio mais au regard de la violence extrême du modèle d'origine, on a de quoi rester un peu sur sa faim à ce niveau. Inutile de dire que les scènes de dégommage d’enfants, de têtes qui vol et de viols ont été soit purement ignorées, soit transformées par quelque chose de plus soft. Un coté édulcoré que l’on pourra également reprocher à la scène finale, passant d’une immense orgie sanglante en plein Time Square à une baston plus ou moins confidentielle dans un hangar désaffecté. L’ampleur de la scène est donc tout autre que celle attendue et même si par instants (notamment avec Hit Girl) l’ensemble demeure très agressif, on est assez loin du résultat théorique sur lequel on avait le droit de fantasmer.
Fun sans être jouissif (notamment grâce à ses personnages tous plus moins fous), plaisant à regarder sans être la claque qu’avait pu être le premier opus, ce Kick-Ass 2 est loin de la catastrophe à laquelle on aurait pu s’attendre au regard du bonhomme derrière le scénario et la caméra. Même si l’on admet bien volontiers ne pas être devant un grand morceau de cinéma, et que Wadlow n’arrive jamais à filmer ses personnages parler entre eux autrement qu’en gros plans, il faut voir cette suite comme une grande récréation énervée, loin d’être sans faille mais à l’énergie à nouveau tellement communicative qu’on aurait bien tort de la bouder. Se clôturant sur une fin plus ouverte que celle du comic (qui était d’un pessimisme surprenant), Kick-Ass 2 laisse la porte ouverte sur un potentiel troisième volet (il y a aura une troisième BD, mais un film ?) et les spectateurs franchement satisfaits d’avoir pu retrouver ces personnages qu’ils appréciaient tant. Même si le sentiment d’accomplissement n’est pas aussi prononcé à la fin de Kick-Ass 1, difficile de faire la fine bouche car franchement, on s'est quand même bien marré !
NB : restez après le générique !