Kié la petite peste
6.7
Kié la petite peste

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (1981)

("Kié" en japonais, ça se prononce "Chié"...)


Attention, cette critique n'est pas là pour casser Isao Takahata, réalisateur d'autant plus génial qu'il a réussi à faire des chef-d'oeuvres très différents allant du pesant Le tombeau des Lucioles en passant par le comique (Pompoko, Mes Voisins les Yamadas) ou le conte émouvant comme Le conte de la Princesse Kaguya.


Mais il faut l'avouer, ses oeuvres de "jeunesses" (entre guillemet puisque Takahata avait déjà 45 ans en 1981) sont loin d'être des réussites : Horus, le fils du soleil est quand même lent et limité par les techniques balbutiantes de l'époque et Kié la Petite Peste est juste un travail de commande très inégal. Non parce que lorsque je lis les critiques de mes camarades sur ce site, j'ai l'impression que tout le monde est trop obnubilé par l'aura de Takahata pour voir les gros défauts de ce film :
- Non, ce film n'est pas un film progressiste !
- Non, la mère de Kié n'est pas "fade" !
- Non, je ne montrerais pas ce film à des enfants !


Kié la petite peste est à l'origine un manga d'Etsumi Haruki, publié de 1978 à 1995, dont le succès à poussé le studio "Tokyo Movie Shinsha" à commander une adaptation en film. Yasuo Ôtsuka, le directeur de l'animation décide d'embaucher deux camarades très doués qu'il avait rencontré à la Toei : Yôichi Kotabe (chara design et animation) et Isao Takahata (réalisation.) A l'époque, Takahata bossait pour des grosses boites d'animation tout en réalisant dans son coin "Gauche, le violoncelliste." Otsuka dira même : « J'imagine toutefois que ni monsieur Takahata ni monsieur Kotabe ne m'ont suivi dans la réalisation de Kié, la petite Peste, seulement par amitié »


Difficile donc, de voir en ce film autre chose qu'un travail de commande, même s'il est indéniable que Takahata à mis sa patte au scénario et un peu à la réalisation, comme l'on peut le voir dans le générique, la scène au cinéma ou dans quelques emprunts à d'autres genre de films (shambara, western, etc...) Difficile de réaliser un chef d'oeuvre quand ton matériel de base est une succession de petits gags présentant des personnages totalement amoraux et c'est là que Mes voisins les Yamadas partant d'un matériel aussi basique va s'avérer, à mes yeux, bien plus réussi à tous niveaux.


Sur le plan du scénario, Takahata introduit un fil rouge avec le départ puis le retour de la mère de Kié. Celle-ci étant le seul point "sérieux" au milieu d'un film où tous les personnages sont loufoques, ridicules et amoraux, à commencer par l'agaçant père de Kié, Tetsu qui cumule quasiment tous les défauts possibles (violent, bagarreur, joueur, vantard, etc...) obligeant sa fille à endosser le rôle de "l'adulte." Elle ne redevient qu'une petite fille de 8 ans, joueuse, espiègle, coquette qu'en la présence de cette maman et les passages avec elle sont des moments un peu plus contemplatifs où l'on prend le temps, en contraste avec la sordide loufoquerie de son quotidien.


Car dans le fond, le quotidien de Kié est horrible et montre sous un air souriant tous les travers attribués aux gens d'Osaka. Il faut savoir qu'Osaka au japon, cumule un peu les même clichés que les "Chtis" par chez nous : buveurs, fauchés, fainéants, vulgaires quand ça n'est pas carrément mafieux. Du coup, le manga se propose de redéfinir cet esprit, mais au final, la vie de Kié aurait pu être un film misérabiliste des frères d'Ardennes : une gamine élevée par un père démissionnaire, qui est obligée de gérer un restaurant à l'âge de 8 ans, mettre les économies loin du père qui va les dilapider dans des jeux d'argents, qui ne doit sa naissance qu'à un mariage arrangé et qui est en proie aux moqueries des enfants plus riches qu'elle.


C'est même encore mieux quand au cours du film....


La mère, qui s'étant enfuie suite aux frasques de son mari est forcée de revenir dans le couple sur la pression de son entourage car "une femme seule ça ne se fait pas."


Et je lis des critiques de Sens critique qui osent écrire que ce film "caricature gentiment les travers du japon" voire que certains osent parler de "film progressiste."


Bref, Kié, est plus proche du théâtre de la Commedia del'Arte avec ses personnages caricaturaux, tous plus horribles les uns que les autres mais offre un comique qui est franchement parfois très lourd.


Je n'ai pas trouvé le "duel de félin" à la fin du film "digne de Sergio Léone" ou "digne de Tarantino" je l'ai trouvé.... "relou." Ca fait partie des nombreux gags du film où tu te marre bien à la première minute mais qui lasse vraiment à la longue tant ils sont appuyés avec la force d'un éléphant. Dans le même style nous avons aussi le passage dit de "l'omelette à la morve", celui du "papa relou qui fait honte à sa fille lors de la journée porte ouverte" et d'autres joyeusetés du genre. A côté, les gags sur les couilles de chats paraissent plutôt subtiles. Donc, non, je ne montrerais pas ce manga à un gosse.


L'animation reste relativement acceptable pour un film produit en quatre mois dans un petit studio en 1981. Disons que ça rappellera à pas mal de gens les productions japonaise qui étaient diffusées dans le Club Dorothée et dans Youpi l'école est Finie à la fin "des années 1980/ début des années 1990" Il faut dire que cet aspect est encore plus souligné par la VF de merde, avec un investissement niveau "Club Dorothée" qui alourdit bien les gags ou les fait tomber à plat.


En conclusion, je vais me faire des ennemis, mais quand on voit Kié, je comprend pourquoi Takahata et Miyazaki sont partis créer Ghibli 5 ans plus tard : pour ne plus à avoir à réaliser ce genre de merdes !!

le-mad-dog
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le 8 janv. 2016

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Mad Dog

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