Il serait presque difficile à croire que les deux Kill Bill ont été pensés comme un seul film, tant leur séparation paraît naturelle, et tant leurs thèmes sont différents. Alors que le premier se complaisait, avec succès, dans les hommages aussi grossiers que réussis, se permettant d’envoyer balader toutes les règles cinématographiques du set-up pour un conflit réussi, le second joue sur un tout autre tableau.


C’est uniquement dans ce second volet que toutes les motivations se révèlent. Tout est dévoilé, jusqu’au point où l’on peut enfin mettre un nom sur le visage de la mariée. On découvre les deux triangles amoureux, l’un avec Beatrix au centre, l’autre avec Bill. Ce dernier n’est d’ailleurs plus une figure sans visage et toute puissante, mais un homme vulnérable. Amoureux, même. On apprend d’ailleurs son absence de père, comme une justification d’un tempérament malsain.


La violence est toujours au centre du récit. Mais il ne s’agit plus d’exterminer 88 personnages sans humanité. On est ici dans la volonté et l’endurance, à l’image de l’extraction du cercueil, ou de l’entrainement par Pai Mei. Beatrix se découvre même une humanité, jusqu’à laisser la vie à Elle.


Le récit raconté par Bill apporte une interprétation intéressante de l’histoire de Kill Bill. Si, dans l’histoire de Pai Mei, les raisons sont inconnues, contrairement aux conséquences, c’est parce que le Chinois est élevé au rang de divinité (l’histoire est sensée se passer en l’an 1003). Or, dans ce Volume 2, les raisons du conflit nous sont bien exposées. Les personnages de cette histoire ne sont pas des dieux, mais des hommes perfectibles, remplis de rancœur.


Et l’histoire prend alors un tournant insoupçonné. La scène final, l’affrontement entre Beatrix et Bill, est d’une beauté nous renvoyant au final de Jackie Brown, où les sentiments, bien que finissant perdant, l’emportaient face à l’intrigue.


La mort de Bill nous briserait presque le cœur. Alors que ce dernier s’amusait à montrer à sa fille comment tuer symboliquement sa mère, c’est Beatrix qui aura le dernier mot. Elle lâche son arme, force Bill à rengainer la sienne, et l’attaque directement au cœur.


"You can be a real cunt sometimes". Parce qu’elle ne lui a pas dit qu’elle avait le secret pour le détruire de l'intérieur. Et lui n’a rien vu venir, il a laissé faire. Il n’a plus qu’à repartir, son instrument d’amour en mille morceaux, tandis qu’elle repart dans le sens opposé. Si jusque là, Bill est présenté comme le plus grand des salauds, cette scène finale nous le ferait presque prendre en pitié.


Plus qu’une histoire de vengeance, Kill Bill est finalement l’histoire d’un homme devant apprendre à laisser partir la femme qu’il aime.


Critique faisant parti d'une rétrospective sur le réalisateur :
http://www.senscritique.com/liste/Retrospective_Quentin_Tarantino/1207072

Mayeul-TheLink
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le 19 janv. 2016

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