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Kneecap
7.3
Kneecap

Film de Rich Peppiatt (2024)

Fuck tha british from the Shankill road

"Non seulement je ne suis pas modéré, mais j'essaierai de ne jamais l'être. Soyez réalistes, demandez l'impossible."


Les mots puissants de Che Guevara résonnent par delà les frontières et l'histoire, ils nichent dans le creux des idéaux et parviennent à travers le monde, insufflant un esprit de lutte indéfectible. Ce même esprit anime le combat de 3 irlandais qui résistent encore et toujours à l'envahisseur anglais à travers le pouvoir de leurs paroles gaéliques irlandaises.


Kneecap est un film, à l'image du groupe éponyme, qui trempe dans la violence, la kétamine, la cocaïne, la musique, les protestations, l'indépendantisme et la liberté. Mais au delà du rythme de hip hop et des tendances toxicomaniaques, Rich Peppiatt dissèque les fondements d'une lutte en catégorisant les différents acteurs. Tandis que certains ont mis une croix sur tout espoir de voir leur langue maternelle retrouver sa popularité d'antan (Dolores, les habitants irlandais, la jeunesse), d'autres préfèrent sombrer dans l'oubli plutôt que parler honteusement le dialecte de ceux contre qui ils ont dédié leur vie (le père). C'est alors grâce à une poignée d'opiniâtres (de jeunes rappeurs en l'occurrence) que la bicyclette de Merckx continue de rouler et que la révolution persiste.


Móglaí Bap, MO Chara et DJ Próvai offrent une prestation à l'écran si concrète et franche qu'elle nous fait oublier qu'ils ne sont pas acteurs et qu'ils jouent simplement leur propre rôle (à vrai dire, n'ayant pas eu l'information au préalable, j'étais persuadé durant la séance qu'il s'agissait d'un casting d'acteurs lambdas). Leurs personnages sont réalistes et ne tombent pas dans le piège du stéréotype surtout chez les deux jeunes qui jonglent brillamment entre vie sentimentale, fraternité inébranlable et persévérance idéologique. Je n'en dirai pas tant des personnages de la détective et du gang des Radicals Republicans Against Drugs mais j'aime à penser qu'il s'agit d'un acte volontaire de la part du réalisateur (100% anglais au passage...) visant à décredibiliser ces derniers en faveur de nos chers rappeurs irlandais.


La distribution a l'étonnante intelligence de ne pas sur-exploiter la présence de Michael Fassbender qui a un taux d'apparition dans la bande annonce et autres éléments de promotion proportionnel à son temps d'écran. Sa prestation est judicieusement orchestrée car ses apparitions compendieuses surgissant toutes les 15-20 minutes appuient sur l'aspect fantomatique voire spectral du personnage du père sans enténébrer les autres acteurs. Il vient même (à moindre mesure) assurer la crédibilité du métrage face à tous récalcitrants qui auraient des aprioris.


Ce qui fait aussi la force de Kneecap c'est l'efficacité de son rythme et de sa mise en scène qui s'asocient toujours aux émotions que l'on ressent : déconstruit et vacillant durant les concerts, frigide et détaché quand le père apparaît, isolé et lent quand il s'agit de la mère, inconstants et imprévisibles durant les scènes de sex, épileptiques et hallucinogènes quand la drogue fait effet,...

Les scènes kaléidoscopiques et déjantées du film nous rappellerons avec plaisir les classiques du genre (Trainspotting, Requiem for a dream, Pulp Fiction,...) tout en conservant une authencité presque clipesque avec cet ajout en post production d'effets "dessins/écrits au crayon" (je vous conseille d'ailleurs après la séance d'aller faire un tour sur leur chaîne YouTube, regarder leurs clips musicaux en devient quasiment intime).


Pour nous faire passer la pilule d'un métrage profondément engagé et social à propos d'une cause pas si connue (que ce soit pour le peuple irlandais ou tout autre peuple, j'ai lu quelque part qu'à travers les 7000 langues existantes dans le monde, 25 disparaissent chaque année...), le réalisateur nous propose une dose d'humour généreuse et il faut avouer qu'il n'y a pas une seule seconde où l'on trouve cela poussif.


Avec son premier long-métrage, Rich Peppiatt s'impose d'emblée comme un réalisateur talentueux et bourré de créativité (cf les scènes d'animations lors des prises de stupéfiants) qui a su allier par un rythme millimetré le pouvoir de l'art et de la musique à une lutte linguistique nationale. Kneecap est un biopic entraînant qui nous fait passer par 1000 émotions pour nous rappeler qu'une seule chose compte réellement : vivre pour ses idéaux.


Il est temps pour moi de vous quitter et de lancer l'album d'un groupe de hip hop irlandais découvert tout récemment... aller j'vous partage le début :


"Foc mí, ní fhaca mé na bastairdí

Carr dubh ina bhfolach ar ár mullach is iad taobh istigh

Seans ar bith, go bhfaighfidh siad mo mhála MD

Mar tá cóisir ann anocht's níl fáilte roimh an RUC..."

Créée

le 30 déc. 2024

Critique lue 637 fois

PabloEscrobar

Écrit par

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