Beau portrait de la jeunesse berlinoise. Réaliste dans plusieurs aspects : le langage, les centres d’intérêt (libérations sociétales, le rap, la drague, les fêtes, se baigner etc…). Irréaliste sur plein d’autres, notamment avec l’utilisation de stéréotypes. Ex : dans la première soirée, les berlinois sont montrés en total amusement euphorique ; ils rigolent, se draguent, jouent… le tout dans une rapidité et une fluidité exagérée (peut-être somme-nous déjà du point de vue de Léna (la protagoniste dont j’ai oublié le prénom), qui étant extérieur à la scène, a tendance à les idéaliser). Autre exemple : les séquences de classe où les élèves se lancent toujours des punchline bien frappées et la prof donne les devoirs justes avant que l’alarme sonne la fin du cours ; tout ça paraît trop orchestré pour donner à sentir de l’authenticité. Ces séquences puisent amplement dans les clichés du teen-movies vues et revues à de maintes reprises.
En revanche, certains personnages ont le mérite d’esquiver ces lieux communs. Ils sont traités avec une ambiguïté et une générosité qui les fait exister. Je pense notamment à la sœur de Léna. Elle qui semble n’être qu’une grande sœur obnubilée par le désir de plaire, la réussite sociale et le sculptage de son corps, devient au fur et à mesure du film, hantée par des questions de maternité. Elle n’est plus la meneuse de sa petite sœur mais se montre vulnérable, (notamment avec son amour non réciproque pour David et la séquence ou Léna vient l’aider à supporter sa cuite). La mère est également une figure subtilement existante. A moitié absente mais quand même présente, elle a des problèmes d’alcoolisme tout en étant une mère aimante. Il me semble qu’on pourrait en dire autant du personnage de Romy mais pas de tous les autres.
Le film pose également la question du regard de l’auterice, en particulier le female gaze. En effet, lorsque les corps des filles sont filmés sous l’eau, rien ne semble différent entre male et un female gaze. Pourtant, il y a une différence, mais celle-ci se voit davantage dans la représentation des hommes que dans celle des femmes. Les garçons semblent tous plus ou moins banals et sans grand intérêt. On pourrait même les trouver bêtes et maladroites. Ceci à l’exception près du garçon qui tente d’embrasser Léna ; ayant compris qu’elle était lesbiennes, il rigole gentiment et avoue trouver ça cool.
A la différence de bien d'autres romances non-hétéronormées, les lesbiennes ne sont pas mal vues dans le film de Krippendorf. Il faut néanmoins du courage pour l’assumer, mais le monde social-bourgeois ne se montre pas homophobe. Le film est d’ailleurs empreint d’une certaine « neutralité » politique, décrivant une classe moyenne sans rapport de classe, il se concentre malheureusement uniquement sur les questions de mœurs.
Mais également sur l’écologie. Trame de fond de l’histoire avec un été caniculaire, la thématique écologique aborde légèrement la question de la sensibilité aux non-humains. Les chenilles, les papillons, sont des figures emblématiques et métaphoriques du film (en plus renard dans les poubelles). Comme une chenille qui se métamorphose, Léna aspire à devenir un papillon (image de fin). On notera également les images d’explosion sur la musique de David Bowie qui activent l’imaginaire du collapse.
Là où le film semble se perdre, c’est dans la dernière partie où les ellipses s’enchaînent frénétiquement. Déjà tout au long du récit, les séquences ne sont pas vraiment développées et menées à bout. Elles font plutôt l’effet d’un pétard mouillé ; et je dirais même un gros pétard mouillé au vu du potentiel de certaines séquences (notamment le premier baiser, ou le bain de minuit) qui mériterait un traitement plus complet. Trop d’ellipses, de musiques et de pellicule appellent un imaginaire publicitaire…
En termes de montage, le film est très dynamique et rythmé, mais bien trop à mon avis. Il y a une obsession pour le gros plan qui nous fait perdre de vue l'espace dans lequel se déroule l’action. Et également, une volonté de sur-découpage. C’est bien dommage de ne pas avoir lu et compris Bazin lorsqu’il écrit que « si un événement dépend de la présence simultanée d’un ou plusieurs facteurs de l’action, le montage est interdit ». Bref, « le film reste un portrait vibrant de la jeunesse berlinoise » comme annoncé sur l’affiche du film.
(Question : à quel moment passe-t-on du 4/3 au plein écran ?)