William Friedkin aura accompli son devoir jusqu'au bout. Pardonnez la formule un peu cérémonieuse, elle ne s'applique pas uniquement parce que le réalisateur légendaire aura terminé son film juste avant de nous quitter. Une fois le générique entamé, L'Affaire de la mutinerie Caine trouble. Ce n'est pas le dernier coup d'éclat d'un metteur en scène qui les a pourtant multipliés. Mais une dernière pierre qui s'ajoute avec pertinence à une carrière passée à arracher l'humanité hors de la dichotomie bien/mal.
Au lieu de reprendre la structure Ouragan sur le Caine, première adaptation du roman de Herman Wouk, Friedkin canalise toute son attention sur le dernier acte à savoir le procès du lieutenant Maryk. Un bon et un mauvais point. L'unité de lieu et de temps contribue à un certain suspense (on repense à son adaptation de 12 Hommes en Colère), la redondance du dispositif peut lasser. L'académisme tranche radicalement avec ses dernières expérimentions sur Bug ou Killer Joe. Heureusement, son épilogue ouvre une dérangeante perspective invitant à reconsidérer l'affaire ainsi que ses protagonistes, tous excellemment interprétés. Décidément, les hommes de lois vont très bien à Jason Clarke qui en est à son deuxième rôle de juriste après Oppenheimer. Jusqu'à sa dernière œuvre, le cinéaste aura poussé son spectateur à sortir de sa zone de confort pour le questionner sur sa place et sa maîtrise par rapport aux évènements ou sa nature.