J'ai trouvé ça affligeant.


J'aime bien la filmographie et le personnage de Pasolini, aussi suis-je allé voir ce film pour le mettre en parallèle avec celui de Ferrara sorti en 2014, les deux films traitant du même sujet : les derniers jours et l'assassinat de l'artiste, alors en plein bouclage de son ultime film, Salò, et d'un roman qui restera inachevé, Petrolio.


Le film de Ferrara était inégal et anecdotique, mais jouissait du charisme de Willem Dafoe dans le rôle-titre, de la présence émouvante de l'acteur fétiche de PPP Ninetto Davoli et de quelques séquences agréables telles que ses reconstitutions d'interviews ou ses scènes fantasmées d'un projet de film futur de l'artiste, Porno-Teo-Kolossal.


Dans ce nouveau film (au titre original évocateur : La Macchinazione), l'accent est mis sur les coulisses de l'assassinat de Pasolini, et sont à ce titre mis en avant les nombreux personnages impliqués dans cet événement. Le film embrasse en effet la thèse du complot ourdi au plus haut niveau (en cause, le roman Pétrole qui devait compromettre Eugenio Cefis et la loge maçonnique P2), loin de l'acte individuel mis en scène dans le film de Ferrara. Et pourquoi pas, je n'ai pour ma part pas d'opinion tranchée sur le sujet.


Seulement, le film fait un peu n'importe quoi de cet angle d'attaque et se perd dans ses innombrables scènes dédiées aux comploteurs (cerveaux comme exécutants), absolument inintéressantes quand elles ne sont pas ridicules (la faute à certains personnages pleurnichards et à l'emploi de musiques semblant parfois tirées d'émissions de faits divers type Enquêtes criminelles). Tout ça au détriment du personnage de Pasolini, pourtant bien plus intéressant et ici campé par un Massimo Ranieri tout à fait crédible (le visage un peu trop épais, là où Dafoe était parfait, mais lui parle italien, ce qui est un atout non négligeable).


Surtout, le film enchaîne les fautes de goût franchement impardonnables. Une quinzaine de scènes s'ouvrent ainsi sur un plan en noir et blanc sur-saturé absolument dégueulasse, qui dure quelques secondes avant de revenir doucement à l'image normale. Utilisé une fois, le procédé serait oublié à la fin de la séance. Mais réutilisé quinze fois dans le film... ça en devient simplement gênant. Autre élément douteux, une scène complètement hors-sujet présente Pasolini victime d'une hallucination prémonitoire, dans laquelle il voit une foule de notre époque, tous les gens leur portable à l'oreille. Hein, pourquoi ? Ceci juste après un caméo improbable de François-Xavier Demaison en journaliste français... évidemment boute-en-train ("olol, Salò en français, ça se dit salaud, c'est une insulte chez nous, lol" - wahou, on se marre bien).


Mais le plus impardonnable reste la scène de l'assassinat proprement dit, qui commence par une bagarre à mains nues entre la poignée de voyous et Pasolini... qui tente naturellement de se défendre et colle donc à ses assaillants quelques beignes... dans des plans en caméra subjective. Et en qualité dégueu type GoPro. Sérieusement... ? C'est hallucinant de mauvais goût. Je trouvais déjà le film nul mais là c'est le pompon.


Du coup, impossible de ne pas penser à cet autre film sorti ce mois-ci et mettant en scène un autre nom du cinéma des années 60 assassiné dans des circonstances troubles : Once Upon a time in Hollywood. Et si l'on peut penser ce que l'on veut du détournement du drame opéré par Tarantino (moi, j'aime), on ne peut pas trouver ça plus obscène que les plans à la première personne de Pasolini qui envoie des droites à ses adversaires. Là, je suis désolé, mais c'est éliminatoire.


Bref, on en restera au film de Ferrara.

ServalReturns
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le 1 sept. 2019

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ServalReturns

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