Est-ce l’exhumation d’une ancienne vedette aujourd’hui possiblement ringarde (Michel Delpech offrant en quelque sorte un clip version large d’une de ses chansons les plus connues Quand j’étais chanteur), est-ce l’implantation géographique loin des villes et de l’agitation (la campagne auvergnate plus quelques zones périphériques particulièrement laides, ne différenciant pas sur ce niveau des autres régions françaises), est-ce enfin un rythme lent donnant l’impression d’une histoire jamais réellement commencée ou se complaisant à stagner dans l’ébauche superficielle de ses protagonistes et dans l’impossibilité à approfondir tant soit peu leurs relations, toujours-est-il qu’on se demande si ce film, incroyablement réalisé et écrit d’une double voix, s’adresse à un public de personnes âgées et nostalgiques, à la fois d’une époque et d’une vedette qui n’a pourtant pas à rougir de ses succès. Un film qui laisse bizarrement le spectateur de côté puisque les personnages sont d'abord mis au courant de l'objet de leurs conversations (une voiture, une installation d'antenne, une scène improvisée) avant que la caméra prenne du recul et en révèle ainsi l'identité. Le procédé ne fonctionne pas ici créant une distance en contradiction avec l'esprit même de l'ensemble. C’est sans doute la meilleure idée d’avoir associé le lucide Michel Delpech à cette aventure singulière dont on regrette beaucoup qu’elle ne s’épanouisse jamais au-delà des péripéties rocambolesques d’un jeune huissier mal dans sa peau et surtout dans son métier, hérité d’un père, figure tutélaire absente, qui n’est pas complètement étranger à l’attraction soudaine du rejeton maladroit, mais malin et inventif, pour la gloire passée, aujourd’hui criblée de dettes, bientôt menacée de voir sa maison saisie. On imagine aisément le chanteur qui fut longtemps dépressif, sans illusions sur les mirages de la célébrité, endosser les habits du vieux bougon solitaire, mis devant le fait accompli de devoir remonter sur scène, et quelles scènes ! Pour exacte qu’elle soit, la vision du chanteur sur le retour, juste capable d’intéresser un public clairsemé et provincial, principalement motivé par l’affût du people, fût-il totalement passé de mode et renâclant, du moins dans les premiers temps, à faire bonne figure, n’en est pas moins cruelle et fait donc mouche. Les deux compères, Grégory Magne et Stéphane Viard, en posant leur caméra au moto-cross dominical ou à la kermesse qui réunit toute la bourgade, dépeignent ainsi de la même manière, douce et sans jugement, la dure condition du saltimbanque en fin de parcours comme le fit il y a déjà vingt-cinq ans Patrice Leconte avec Mortez, l’animateur fatigué et désillusionné de Tandem. L’Air de rien est une sympathique et inoffensive comédie, plutôt mélancolique, mais qui reste trop superficielle, paraissant se refuser à fouiller l’âme tourmentée de son antihéros qu’elle finit d’ailleurs par abandonner au tournant de sa vie, tout comme elle se moque du destin du chanteur à l’issue de la dernière date de sa curieuse tournée, comme si surtout le duo de réalisateurs peinait à conclure.
PatrickBraganti
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le 7 nov. 2012

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