Certainement que L'Amant de Marguerite Duras demeure un roman inadaptable. J'avais par ailleurs un peu de tendresse pour Annaud qui a du se lancer dans une tâche difficile. Puis j'ai pensé à tous ces réalisateurs qui auraient réussi : Patrice Leconte, Ingmar Bergman, Jane Campion, Roman Polanski. Ouais, Polanski, et son Tess, super bonne adaptation de Tess d'Urberville de Thomas Hardy. La Honte ! LA HONTE Jean-Jacques ! Et pourtant Tess, il y a du niveau. Un roman sensuel qui parle de lutte des classes, avec une belle narration au romantisme cruel. Bon, revenons au Tess du pauvre. Si Annaud est un bon technicien, le mec est complètement à côté de la plaque quand il adapte un roman symbolique sur l'éveil sexuel. Même Nicola Sirkis d'Indochine est plus à la question avec ses Fleurs pour Sallinger et son Canary Bay (ouh ouh).
Déjà, Annaud, il illustre tout, il raconte tout, optant pour le choix d'une voix-off de Marguerite, vieille, qui te raconte sa jeune passion amoureuse avec un play-boy chinois (ici Jane March et Tony Leug) dans la Cochinchine. Le roman sent l'opium, les draps sales et la cyprine. Le film pue comme la mort. A croire qu'il a adapté un Christine Angot avant l'heure.
Prenons les scène de sexe. Alors déjà, à noter, c'est l'inverse de Lady Chatterley de Pascale Ferrand, autre adaptation inadaptable réussie. Dans Lady Chatte, pour situer, c'est l'histoire d'une bourgeoise anglaise qui se fait troncher par son garde-champêtre. C'est marrant, car au début, il est cru et la baise à froid comme une chroniqueuse de l'Express, et après,viennent les regards, les petites attentions, les caresses tout en subtilité et en nuance. Moi, ça me transporte.
C'est tout l'inverse dans L'Amant. A 15 ans, Marguerite, c'est une écrivain (et pas -vaine, bordel), donc elle analyse tout, elle partage tout. Tout prend une dimension délicate, osée et incroyable. Elle met un feutre, c'est délicat, osé et incroyable, elle caresse une bite "dorée" (car asiatique), c'est délicat, osé et incroyable ! Dans un roman, cela fonctionne, l'intériorité, les sensations, mais dans un film
c'est insupportable, c'est à croire qu'on nous prend pour des débiles. "je caressais son sexe doré", je le vois, petite gourde, que t'es pas en train de repasser sa chemise" (enfin encore que...non, car monsieur Leug est toujours couvert et elle caresse un sexe comme si elle repassait une chemise, alors cela peut effectivement arriver quand on n'a pas trop envie sur le moment mais quand même...enfin, on s'égare).
Ce qui assez marrant (d'ailleurs le film n'est pas marrant, alors que Duras, dans mes souvenirs, a un petit ton décalé et critique sur les colons français en Cochichine),
Alors tout est bien restitué, la famille de Marguerite à Sadec, Vihnlong. Les figurants sont bien dégourdis et s'arrêtent sur les marques. Un petit mot sur la musique de Yared, affreuse, kitsch, qui rend glauque les scènes érotiques.


Et quant à la sensation que cela te procure, je n'en sais rien. Autant, Lolita, il y avait un jeu de manipulation intéressant, autant dans le cas de Jane March, ben, tu prends ton pied avec un chinois et tu vas écrire un bouquin dessus. Le chanceux, imaginez, il aurait pu tomber sur Angot ou Solange te Parle.
Alors, oui, quand tu as 15 ans, ça devait être super émoustillant de suivre le premier connard venu dans une garçonnière. Tant que c'est pas Yann Moix, pourquoi pas ? Pauvre Jane March, iconique, une pensée pour ces (trop) jeunes actrices qui ont vendu corps, âme, carrière pour satisfaire des libidineux, moches avec des physiques d'académicien, à leur dépend alors qu'elles auraient pu embrasser des rôles sympas. Oui, elle ne jouait pas très bien, mais Béatrice Dalle dans 37,2 le matin non plus. Et Sophie Marceau n'a jamais su jouer. Cependant, March avait un côté Charlotte Gainsbourg sans l'aspect cheveux gras cradingue. Mais bon, la nudité frontale de L'Amant a eu raison de sa carrière. Dommage.


Bref, L'Amant, c'est long, plat, kitsch, ringard, niant-niant, année 80 avec des intentions douteuses.
Et désagréable,
Et détestable. Comme un roman de Yann Moix.
D'ailleurs Annaud adaptera la roman pédo zarbi de Joel Dicker en série pour TF1. Il y avait les mêmes défauts.

FemmedeKaradoc
2
Écrit par

Créée

le 18 avr. 2020

Critique lue 983 fois

1 j'aime

FemmedeKaradoc

Écrit par

Critique lue 983 fois

1

D'autres avis sur L'Amant

L'Amant
Ticket_007
8

"Le plaisir" en raffinement asiatique !

A quoi rêvent les jeunes filles ? Sûr ! Au 1er abandon total par amour ! Une, 15 ans et demi, Française en Indochine à la fin des années 20, a été comblée ! Sur le bac du Mékong, vers Saïgon et...

le 7 oct. 2015

20 j'aime

11

L'Amant
Lellfee
9

Critique de L'Amant par Lellfee

Je me souviens de la première fois que je suis tombée sur le film... C'était en pleine nuit, passé minuit. J'étais encore une jeune adolescente, et je suis tombée de ma chaise, quittant les décombres...

le 10 mars 2011

17 j'aime

L'Amant
LuluCiné
5

Critique de L'Amant par LuluCiné

C'est avec le livre que j'ai appréhendé l'histoire en premier lieu, Marguerite Duras était l'un des seuls auteurs imposé dans ma scolarité que je lisais avec plaisir. De plus quand on a 16 ans...

le 27 févr. 2012

6 j'aime

Du même critique

Les Liaisons dangereuses
FemmedeKaradoc
6

Assez monsieur, assez...

Oui alors c'est très curieux. Les Liaisons Dangereuses est ce qui se fait de mieux dans le mélo Hollywoodien, nous offrant un bon casting, des costumes et des décors somptueux et de belles idées de...

le 19 avr. 2020