Je l’ai vu. Le film. L’Amant.

Je n’étais pas sûre de vouloir. C’est toujours difficile de se voir… à travers les autres.
Mais ce n’était pas moi. Pas tout à fait.
C’était elle. Une fille. Une inconnue. Une enfant. Une étrangère très proche. Trop peut-être.
Elle portait le chapeau. Le ruban. Le rouge à lèvres trop rouge pour son âge.
Elle portait l’envie d’en finir avec l’enfance.

C’était bien cela, ce film. Ce mouvement-là.
L’abandon à ce qui arrive. À ce qu’on n’a pas prévu, pas cherché, mais qu’on reconnaît tout de suite.
C’est lui.
C’est lui qui entre dans le taxi.
C’est lui qui regarde la fille sans la voir.
Et puis c’est fini. Le destin est fait.

Ils n’ont presque rien à se dire.
Les corps parlent. À bas bruit.
Pas dans la violence.
Dans la lenteur. Dans cette façon de se laisser faire, sans se perdre.
Dans cette façon de ne pas demander la permission.

Elle, elle ne comprend pas tout. Elle sent.
Elle sent qu’il la regarde comme personne avant lui.
Elle sent qu’elle devient quelque chose dans ses yeux. Pas une femme. Pas encore.
Mais une chose qu’il désire. Et ça suffit.

Lui, il est calme. Toujours. D’un calme désespéré.
Il sait. Il a honte. Il continue.
Il ne la brutalise pas. Il l’admire.
Il est fatigué d’être ce qu’il est. Et elle, elle le réveille.
Mais il sait qu’il ne pourra pas la garder.

Le film ne raconte rien de plus.
Juste ça. Le passage.
Le moment exact où le corps prend le dessus sur tout le reste.
L’âge, la morale, le sang, la famille, le monde balayés.

Ce n’est pas un film érotique.
Ce n’est pas un film romantique.
C’est un film sur la perte.

La perte de l’enfance.
La perte d’un amour qu’on n’aura qu’une fois, qu’on ne nommera jamais, qu’on ne vivra qu’à moitié mais qui vous poursuivra jusqu’au dernier souffle.

La chaleur. La moiteur. La langueur. Le silence.

Tout est filmé comme dans un souvenir.
Pas flou.
Mais un peu loin.
Comme une voix qu’on entend encore dans le noir.

Moi, j’ai vu ce film comme on relit un journal qu’on avait oublié.
Un journal écrit avec le ventre.
Et j’ai compris une chose : on ne revient jamais indemne de ce genre d’histoire.

Il ne l’aime pas à la fin. Pas comme il l’aimait au début.
Elle, non plus.
Mais ce qu’ils ont partagé...
C’est resté.
Dans les draps. Dans la chambre.
Dans ce fleuve qui ne les a jamais recrachés.

Merci Marguerite Duras pour ce chef-d'œuvre !

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le 3 avr. 2025

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byxbutterflyy

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