« La vérité en amour est-elle souhaitable ? »

Le choix du spectateur de ce film est très simple : succomber ou non au charme des comédiens qui tombent comme des mouches dans les bras les uns des autres. Stupre, manipulation, sculpturales créatures, ce petit univers surchauffé se déploie avec la malice caractéristique des frères Larrieu et, pourrait-on dire, du cinéma français d’auteur.
Le contexte glacial des montagnes crée un contraste saisissant avec ces intérieurs, et au bois cosy du chalet répondent les parois de verres de l’université ; la diction des personnages, volontairement fausse et littéraire, tranche avec la saisissante vivacité de leurs désirs. C’est précisément le point de bascule sur lequel se situent tous les personnages, entre maîtrise totale et abandon aux gouffres des désirs coupables.
Les images sont souvent impeccables, tant par les prises de vue sur les paysages que l’architecture, les deux grands sujets plastiques du film. Sur ces beautés muettes tente de se greffer un discours, forcément minoré : c’est le travail que propose Amalric à ses étudiants dans un atelier d’écriture durant lequel il compense ses frustrations d’écrivain raté.
Le monde à l’échelle du campus, entre plaisir facile et rivalités politique, est certes croqué avec plus au mois de bonheur, et occasionne quelques longueurs, de la même façon que la portée satirique et comique n’est pas toujours très heureuse. Alors que le récit s’enlise un peu, notamment dans son intellectualisme didactique (les citations de Dante, de Buñuel, de Breton…), la fin relance l’intérêt en faisant tomber certains masques au profit de nouveaux, plus fragiles et expressifs. Car le récit est aussi celui d’une émancipation et la séparation d’un couple frère-sœur fusionnel qui décide d’ouvrir les portes de son chalet.
On peut donc laisser tous ces jolis minois nous séduire, à condition d’accepter les grains de sable que laissent volontairement les maîtres d’œuvre dans leurs rouages : sur la trame du thriller et derrière l’apparent académisme de leur récit, adapté de Djian, autre grand spécialiste de l’art du clivage, se logent ces petites bizarreries de la nature humaine qui font qu’on adhère à l’effroi et qu’on se laisse prendre la main pour aller sonder les gouffres mystérieux de sa psyché tourmentée.
Sergent_Pepper
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le 16 janv. 2014

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le 16 janv. 2014

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