L'Amour ouf
6.5
L'Amour ouf

Film de Gilles Lellouche (2024)

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Hier soir, G Lellouche m'a pété les genoux.

"Romance et vengeance chez les petits caids de banlieue". Un projet qui mélange des thèmes aussi archi-rebattus ne présageait rien de bon pour le vieux cinéphile que je suis, souvent déçu et fatigué de la litanie des films poussifs qui ont rythmé ces dernières années.

La claque.

Quelque chose en plus, d'indéfinissable, se pose dès les premières scènes.


Ca vient peut-être des dialogues, mêlant justesse et finesse. On est chez les voyous, dans un réel brut, mais on ne dégrade pas cet univers par des clichés vulgaires, simplistes ou réducteurs.

Ou des plans, soigneusement choisis. Un bonheur de cadrages, de travellings, de plans fixes, de changements de focale, de champ contre-champs, tout y passe, pour montrer le plus possible sans avoir besoin de tout expliquer, tout justifier. Une école de réalisation, variée, enthousiasmante, souvent très pertinente, agrémentée de belles chorégraphies de La Horde. La violence est là, filmée avec des limites précises, sans complaisance ni excès, parfaitement supportable.

Ou le montage, haletant, nerveux, qui ne laisse pas de répit, sert admirablement un scénario assez classique, qui deviendra un formidable tremplin pour le talent des acteurs.

Ou la photo, aux multiples inspirations. Les amateurs se retrouveront. Il y a du Beneix, du Lynch, du Malik, dans cette succession de tableaux bien léchés, qui magnifient la mise en scène.

Ou cette BO, qui fait la part belle aux années 80, cette pop si reconnaissable, incarnation de son époque.

Ou le scénario, une trame qu'on qualifierait de facile, certes, mais qui s'exonère des traditionnelles incohérences qui maculent ce genre de productions, saupoudre l'histoire d'échanges parfois savoureux et inattendus, évite le piège d'une fin mélo.

Mais que s'est-il passé avec la direction d'acteur ? C'est quoi ce tour de magie ? Ou sont passés la fadeur de jeu de V Lacoste, le "naturel" ennuyant d'A Exarchopoulos, l'interprétation surjouée de F Civil, l'inspiration fatiguée d'A Chabat ?

Ils explosent tous littéralement, crèvent l'écran, crédibles dans les moindres intonations, les moindres regards, servent des dialogues épurés qu'on sent très travaillés. Méconnaissables. Sublimés.

Que dire de la jeune génération à laquelle la première moitié du film fait honneur. Un casting en or massif, mené par M Frikah et M Wanecque, des figures qui donnent tout à leur rôle, surtout le meilleur, parfaitement dosé, qu'on a hâte de retrouver dans le futur.

Alors oui, les bons sentiments sont là. Mais au lieu d'engluer le film dans une guimauve insipide, ils prennent une puissance inhabituelle, deviennent le moteur, la source d'une énergie incroyable que la réalisation va décupler. Ca souffle fort, très fort.

Temps suspendu. Quoi ? 2h40 ? Non pas possible. Le film passe à la vitesse d'une allumette qui se consume. Un ovni furieux, qui laisse une sacrée rémanence une fois revenu le noir sur l'écran.

Merci Mr Lellouche.


Brefsanspepin
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il y a 2 jours

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