Une heure et demi de cauchemar obsessionnel

D’Alain Resnais, je gardais le souvenir d’un film des années 80 qui avait eu sur moi le double effet d’un puissant somnifère et d’un laxatif redoutable. C’est dire si je craignais la confrontation, dans le cadre de l’objectif que je me suis fixé de voir l’intégralité des “Meilleurs films des années 60” de Jürgen Müller (Taschen), la confrontation donc, avec “L’année dernière à Marienbad”, oeuvre dont je connaissais peu de choses sinon son caractère avant-gardiste, voire révolutionnaire. Mes craintes étaient infondées car après à peine une heure -peut-être une heure et quart- à lutter contre l'endormissement, eh bien je puis affirmer que ce film s’est révélé aussi plaisant qu’un rêve obsessionnel dans lequel on cherche avec obstination quelque chose ou quelqu’un qu’on ne saurait nommer ni définir, en franchissant des portes menant invariablement à la pièce qu’on vient de quitter. Vous voyez ? ça s'appelle un cauchemar ? Ah bon.
Le scénario abscons de l'ineffable Robbe-Grillet, qui tient tout entier sur un ticket de métro, raconte péniblement une vague histoire d’adultère à travers les souvenirs tout aussi pénibles et vagues de protagonistes moins expressifs qu’un banc de morues, mais ça doit être fait exprès. Le temps pour moi de me dire que l’image était quand même chiadée, et la fin du chef d’oeuvre est arrivée comme une merde en chemise, ce qui n’était pas pour me déplaire. Le propre de l’avant-garde c’est d'essayer, et là on se dit heureusement qu’il s’est planté le gars, sinon aujourd’hui, tout le monde filmerait comme ça, et ce serait la grosse lose.