Une oeuvre imparfaite mais envoutante
5 ans après l'énorme flop de "La porte du paradis", responsable de la faillite d'United Artists, Michael Cimino revenait au cinéma avec ce polar sombre et violent, écrit par Oliver Stone. L'accueil fût aussi violent que le film, taxé de racisme envers la communauté chinoise et nominé aux razzies awards, tout en l'étant aussi aux césars comme meilleur film et aux golden globes. C'est une oeuvre pleine de contradictions, mais qui ne laisse pas indifférent, sublimé par un Mickey Rourke en état de grâce.
29 ans plus tard, le film n'a pas perdu de son intensité, il reste une oeuvre majeure dans la filmographie de Michael Cimino, un cinéaste maudit, qui a déjà deux chef d'oeuvre à son actif : Voyage au bout de l'enfer et Les portes du paradis. L'année du dragon est le sommet de sa carrière et son dernière film important.
Le film n'est pas raciste, ou alors "Les Affranchis" ou tout films de Martin Scorsese sur la mafia italienne, le sont. Le vrai problème, c'est que Michael Cimino est américain et non chinois, alors que Marty est italo-américain, donc là, tout va bien. C'est un procès d'intention, dont est aussi visé Oliver Stone.
Pourtant, les polonais auraient aussi pu crier au racisme. En effet, Mickey Rourke joue le rôle de Stanley White, reniant ses origines polonaises, en changeant son nom. C'est un homme violent, alcoolique et volage. Mais non, là ça va, pas de problèmes, allez comprendre. De plus, il va nouer une relation charnelle avec Ariane Koizumi. A une époque ou le mélange ethnique était très rare à l'écran, ou la femme est indépendante, mieux financièrement et socialement que le "héros", c'était là le vrai bouleversement dans le paysage cinématographique. Mais c'était plus facile de réduire le film, à un racisme sans fondements et de continuer de taper sur Michael Cimino, c'était plus à la mode.....
Comme dans ses films précédents, Michael Cimino rappelle que la belle amérique a été construite par les immigrés. Par deux fois, durant le film, il martèle le fait que les chinois ont donné leurs vies pour construire les chemins de fers. Il fait office d'historien, n'oubliant pas que les polonais ont aussi pris part à cela, mais aussi à la guerre.
Au travers d'un film policier, il met en conflit les différentes ethnies qui compose la population américaine, ou les mélange. John Lone a un garde du corps noir. Stanley White est en conflit avec un collègue italien, puis finalement avec tout le monde. C'est un chevalier solitaire, il croit en la justice, à partir du moment ou c'est lui qui la donne.
Son personnage est plein de contradictions, il est arrogant et en guerre permanente, contre la mafia et contre lui-même, comme s'il était encore au Vietnam. C'est un suicidaire, qui ne respecte rien. C'est ce qui le rend pourtant attachant et intéressant. Mickey Rourke endosse ce rôle avec perfection, cassant son image de beau gosse, obtenu dans "Rusty James". Son affrontement avec John Lone est impressionnant, deux acteurs de talents, face à face, cela ne pouvait que faire des étincelles.
Le film ne perd pas de temps pour mettre en place l'intrigue, elle est un peu mince et elle permet surtout de découvrir Chinatown et les triades. Une plongée dans un quartier entouré de mystères, qui vit selon ses préceptes, loin de ceux de l'amérique. Un choc culturel, mais aussi des générations, ou le jeune John Lone, veut le pouvoir face à ses aînés. Il est aussi arrogant que Mickey Rourke. La seule vraie différence entre ses deux hommes, c'est leurs choix de vie, un policier face à un hors la loi.
Ce sera deux heures de bruits et de fureurs, les scènes intimistes succédant à des scènes d'une violence sans retenues, nous permettant de respirer un peu, avant de replonger dans ce monde sombre.
L'année du dragon, est un polar sombre et violent, qui ne laisse pas indifférent, qui n'a pas vieilli par le biais de la réalisation de Michael Cimino, épousant parfaitement la noirceur de l'histoire d'Oliver Stone, collant aux basques d'un Mickey Rourke monstrueux, livrant une oeuvre imparfaite et pourtant réussie, une contradiction de plus, pour un film qui n'en manque pas.