Après le fiasco de la Porte du paradis qui avait ruiné le studio United Artists, Michael Cimino fait un retour fracassant 5 ans après avec cette immersion au coeur de la mafia chinoise de New York. C'est Dino de Laurentiis qui fait confiance à Cimino ; producteur italien installé à Hollywood, il a produit des films aussi différents que le remake de King Kong en 1976, Conan le barbare ou Dune... c'est lui qui fait découvrir à Cimino le livre de Robert Daley dont le film sera tiré, romancier déjà auteur du livre qui a inspiré le Prince de New York de Sydney Lumet, mais Cimino n'est pas satisfait de ce roman, il retravaille le scénario avec Oliver Stone, conserve le décor et l'atmosphère, transforme les personnages, précise le contexte social et ethnique, rajeunit le personnage du flic et le situe dix ans après le Vietnam, élément important puisque les souvenirs de guerre seront omniprésents pour le vétéran glorieux devenu flic. Sa nomination à Chinatown provoque en effet une résurgence de souvenirs qui l' incitent à se lancer dans une croisade contre la corruption et le crime organisé de la mafia chinoise, comme on part au combat, en quête de pureté et de justice.
Son enquête le mène jusqu'au parrain local, un jeune criminel élégant, et dès lors va se jouer un bras de fer impitoyable entre ce flic cabochard et hargneux et ce chef froid et méthodique. Le spectacle n'est donc pas de tout repos, il y a une tension qui ne se relâche pratiquement jamais, c'est un festival de séquences choc (notamment la fusillade du restaurant), une orgie de scènes frénétiques et convulsives à peine adoucies par la présence d'une femme chinoise journaliste qui comme le spectateur, assiste à l'affrontement des belligérants.
A l'aide d'une image qui capte le regard, d'une action bien menée, d'une violence qui éclabousse l'écran, et d' un Mickey Rourke fantastique, Cimino plonge sa caméra dans un Chinatown survolté et surpeuplé, et joue autant sur la violence que sur la dimension humaine de l'histoire d'amour et de l'affrontement viril, au-delà des dessous criminels d'une communauté asiatique. A la sortie du film, la critique a dénoncé un racisme latent dont s'est plaint la population chinoise en Amérique, car l'analyse des moeurs asiatiques s'avère discutable, pourtant le réalisateur n'attaque pas la race chinoise, il observe simplement en entomologiste fasciné le combat de la mafia et d'un flic solitaire ; ce constat est psychologiquement éprouvant car Cimino ne cherche pas à solliciter la sympathie du spectateur pour les protagonistes, et on peut lui reprocher sa mise en scène parfois tape-à-l'oeil. Une fois de plus, il dérange et bouscule par ce chant funèbre et tumultueux qui détruit notre vision rassurante d'une Amérique idéalisée. C'est aussi une réflexion sur la fascination du mal, où le jeu sobre de John Lone fait merveille. Pas un chef-d'oeuvre, mais presque.

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le 29 juin 2017

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