Une immense déception que ce film et le sentiment de s'être fait avoir pour les non-initiés aux deux frères réalisateurs.

On nous vend, avec les frères Boukherma, un renouveau du cinéma de genre français. Ils ont commencé leur carrière avec Willy 1er. Film sur un bègue de plus de cinquante ans, décidant enfin de quitter la vie chez ses parents après le suicide de son frère jumeau pour retrouver son indépendance et sa joie de vivre. Leur film le plus réussi pour le moment, à mon humble avis, qui n'est PAS un film de genre.

Leur premier essai de "genre" qu'est Teddy est déjà plus proche de l'idée. Un style auteuriste, social et drôle à la Kervern\ Délépine dans son encensement du banal, du tragique, du maladapté et du laid ponctué de certains codes de la transformation et du mal intérieur qui ronge les loups-garous. Le parallèle entre les pulsions du personnage principal et la pression de son environnement avec ce mythe était timide dans son genre, mais fonctionnait tout de même sur le plan conceptuel.

Ici on a beaucoup plus de moyens, une grosse promotion, des acteurs très populaires, mais aucun travail de fond sur le concept. Ni une exploration sérieuse de ce qu'est le film de requin, le film de monstre, ou n'importe quel survival. Aucune maitrise des codes, aucun détournement de ceux-ci, aucune vraie métaphore sinon des oppositions maladroites (et parfois limite cynique) entre la beauferie folklorique des landes et autres touristes de classe moyenne, à accent du sud et l'imaginaire hollywoodien. On a aussi des parallèles très approximatifs entre les problèmes écologiques, le covid, le requin et la réaction d'une société qui doit faire corps face à une menace commune.

On dirait que ce sont des producteurs qui les ont persuadés de faire "du genre" et de surfer sur cette vague après Teddy et que ce n'est pas naturel chez eux. Je les ai vus sur Arte en train de parler pop culture et Stephen King, mais je sentais tellement qu'ils n'avaient pas vraiment les codes et l'amour d'un cinéma vraiment mainstream. Ils n'ont cité aucune référence, aucun exemple récent de film de requin ou d'horreur réussi par exemple. Ils ont seulement parlé de choses très en surfaces qui sont personnelles ou politiques et qui vont bien avec la chronique divertissement vaguement socialiste du 28 minutes d'Arte. Ils n'ont pas réfléchi à la manière de rendre ça accessible, de mélanger leur volonté d'auteur comme le fait de faire jouer des nons-professionnels à problèmes mentaux, avec des professionnels ensembles par exemple. En plus de personnages très peu dévellopés dans le scénario et de ce narrateur laborieux, la sauce ne prend jamais à cause de ce décalage et les 1h27 sont un supplice. Un gros gâchis qui trompe les gens dans le marketing. Ce n'est ni une grosse comédie TF1, ni un film de requin à suspense, ni un film d'horreur. Il y a très peu d'enjeux, aucune tension, quoi que l'on vienne voir on sera forcément déçus. Le requin est en carton pate ridicule, chaque moment de tension ou de gore est raccourci, coupé ou montré laconiquement sans aucune tension. Heureusement j'ai trouvé la photo jolie et quelques expérimentations visuelles et jeux de lumière intéressants. Une esthétique très saturée, des corps suants, des bronzages proches du coup de soleil, des glaces fondues, des caustiques, des plans aériens de plages bondées et des ciels très bleus qui rendent un côté cartoon estival.

Le pire point pour moi restera le discours écologique super moralisateur, facile et superficiel qui n'a rien à faire là avec une parodie d'émission radio qui n'a aucun équivalent dans la vie réelle "michel et michel" sensée dénoncer la beauferie du touriste en SUV qui se fout des problèmes écologiques, de la gauche et des autres. C'est caricatural et offensant. Les Parisiens qui puent etc. et j'en passe.

Bref pour l'instant le "film de genre français" a une sale gueule et une évidente méconnaissance de son sujet, des complexes politiques qu'il tente de nouer avec ce qui serait en fait une critique de ce cinéma-là, qu'il n'ose jamais vraiment s'approprier pour ça aussi. Également par frilosité, manque d'ambition et certainement de moyens. Il faudrait qu'on arrête de nous vendre des films qui ne vont pas au bout de leurs ambitions, qui font exprès de désamorcer tout ce qui plait dans ces codes-là, qui au final ne sont que des films pour initiés à l'art et essai franchouillard. Qui planent au-dessus du spectateur lambda qui arrêtera à un moment d'aller voir ce type de cinéma pour s'assurer de vraies sensations avec un blockbuster américain ou une grosse comédie Danny Boon.

LucasMonjo
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le 12 août 2022

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Lucas Monjo

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