La présence de Kévin Azaïs au générique de « l’année prochaine » et la dynamique de l’affiche font forcément penser aux « Combattants » de Thomas Cailley. Sauf que la rage semblait émaner des 2 combattants de l’affiche du film de ce dernier, 2 combattants que sont Kevin Azaïs donc, mais surtout Adèle Haenel qui a reçu un césar pour ce rôle, tandis qu’une certaine douceur dessine les contours des deux jeunes filles de l’affiche du film de la belge Vania Leturcq. Cette impression de déjà-vu disparaît heureusement très vite dès les premières minutes de ce nouveau métrage.


Clotilde et Aude sont de jeunes filles modernes, en toute fin de Terminale, belles, fraîches et expérimentant une relation d’amitié fusionnelle. Vivant une vie provinciale dont l’horizon est borné par la sempiternelle rivière qui coule paisiblement, l’une veut s’en contenter tandis que l’autre a les yeux déjà rivés ailleurs.


A 30 ans, la belge Vania Leturcq réalise son premier long métrage. Construit sur le principe de séquences séparées par des ellipses temporelles plus ou moins longues, le film met en exergue des moments forts ou plus simples de la vie de Clotilde, une jeune femme délicate mais déterminée, et de son amie Aude, plus insouciante, plus flamboyante aussi, ainsi que de leur relation tumultueuse aux allures d’histoire d’amour.


La réalisatrice capte très bien le parfum de jeunesse qui constitue l’environnement de ses protagonistes. Ce temps exact où elles naviguent entre l’insouciance de la quasi-enfance, et la gravité des grande décisions, ce moment avant lequel les deux jeunes filles trouvent leur bonheur dans une bataille à la crème au chocolat, et après lequel elles découvrent l’échec ou encore l’humiliation. Vania Leturcq arrive également à bien retranscrire cet ennui diffus des journées de petite ville passées à ne rien faire, avec cette effrayante certitude du côté immuable des choses.


Il est dommage en revanche que l’arrière-plan familial soit traité plus négligemment. Ainsi, par exemple, le rôle de Bertrand, le père de Clotilde, interprété par l’excellent Frédéric Pierrot, est presque inexistant, donnant même une vague impression de gâchis dans l’utilisation de cet acteur exigeant et chevronné. Ce personnage apparaît pourtant comme une possible clef permettant de comprendre les choix de vie de sa fille Clotilde… De même, on est frustré par le personnage de la mère d’Aude qui plonge dans une neurasthénie suffisamment visible à l’écran pour que cela nécessite une explication qui ne viendra pourtant jamais.


La jeune Jenna Thiam qui joue le rôle d’Aude hérite de la partie peut-être la plus évidente, un personnage pragmatique, presque content de son sort, ne montrant aucune velléité particulière. Son rêve est simple : un travail dans le sillage du garçon qu’elle aime, peut-être un toit, un bébé, toutes choses que sa mère malheureuse l’enjoint pourtant à fuir. Un rêve que les circonstances ont éloigné pour lui donner à la place un destin dont elle ne sait que faire…
Constance Rousseau, elle, doit forcer sa nature délicate pour figurer Clotilde, une personne dure, ambitieuse, voire calculatrice. Elle est la petite faiblesse du film, car elle ne donne pas la consistance nécessaire à ce rôle qui aurait dû être joué de manière plus intense, ce rôle d’une jeune femme autoritaire qui va jusqu’à s’introduire chez son amie pour y dérober des dessins qu’elle envoie à son insu dans des écoles parisiennes. Mais l’idée de la réalisatrice est peut-être d’apporter cette ambigüité, de suggérer que la plus fragile des deux n’est pas celle que l’on croit…


Quant aux personnages masculins, Kevin Azaïs reprend presque son rôle dans le film « les combattants », un faux dur un peu au ras de la terre, mais qui s’avère être un homme sur qui compter, un personnage qu’il commence à bien maîtriser au travers d’un jeu où il se met en retrait tout en dégageant une présence assez magnétique. Quant à Julien Boisselier qu’on retrouve avec plaisir après une certaine absence du grand écran, il joue le rôle d’un homme dans la force de l’âge, forcément un peu moins romantique que ceux de son répertoire habituel, un homme un peu plus cynique, qui sait profiter gentiment d’une situation favorable. Julien Boisselier vient compléter un trio d’acteurs masculins tout à fait plaisant à suivre dans un film au fond très féminin.


Enfin, Vania Leturcq a eu l’heureuse initiative de confier la musique à son compatriote Manuel Roland qui a su imprimer une vraie ambiance à son film. Une musique jeune comme les protagonistes, qui accompagne parfaitement leur état d’âme : pop-rock, électro, mais aussi des chansons douces, qu’elles soient en boîte de nuit, au travail ou seules avec elles-mêmes…Une « belgian touch » qui apporte une vraie valeur ajoutée au film.


La mise en scène de Vania Leturcq est encore hésitante, mais prometteuse. Le casting de premier choix est presque un sans faute, malgré quelques lacunes du scénario qui empêchent un plein épanouissement de tous les personnages. La gestion des sauts dans le temps n’est pas très heureuse, apportant quelques problèmes de rythme au film, mais dans l’ensemble, « L’année prochaine » est un film sensible et agréable à voir sur la fin de l’innocence, un sujet toujours intrigant...


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Bea_Dls
6
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le 30 mai 2015

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Bea Dls

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