Pour le rétif que je reste malgré moi au cinéma de genre, Carpenter est toujours une épreuve pour le moins pernicieuse. Ses meilleurs films font toujours l’objet d’une écriture rigoureuse, qui dépasse les situations généralement jetables du cinéma d’épouvante, sans pour autant renier ses codes et ses excès.


L’Antre de la folie prend à bras le corps un thème pirandellien sur les liens entre le réel et la fiction : un enquêteur en assurances lancé sur les traces d’un écrivain se retrouve dans une bourgade qui semble être l’univers de fiction créé par l’auteur.


Le début du film, qui reprend la structure en flashback depuis un hôpital psychiatrique déjà vue dans L’invasion des profanateurs de sépultures, nous dépeint un personnage caricatural dans son rationalisme, qui va évidemment devoir composer avec un monde parallèle pour le moins étrange. Visions, monstres, giclées d’hémoglobine d’abord assimilées à des cauchemars vont progressivement contaminer un réel qu’il va devoir questionner.


L’ambiance est assez bien rendue, et si les clichés s’enfilent comme des perles, le scénar joue sur cette distance malicieuse consistant à les attribuer à un auteur à succès qui renvoie à Stephen King, mentionné d’ailleurs pour avoir vendu moins que lui.
Les dialogues sur l’invasion de la fiction et les délires de l’auteur démiurge (I think, therefore you are) ne brillent pas par leur finesse, et surtout, sont assez redondants. On sent à quel point le réalisateur jubile de tenir un sujet un peu moins stupide qu’à l’accoutumée sur ce genre, alors que la finalité est bien moins les mystères de l’inspiration ou de la création littéraire que le défilé des tentacules en latex de ses poulpes humains ou des haches sanguinolentes.


Mais lorsqu’il en reste à son domaine de prédilection, Carpenter se débrouille bien : la structure du cauchemar (les effets de boucle lorsqu’il quitte la ville en voiture, les réveils impossibles) est plutôt bien exploitée, et le délire croissant, lorsqu’il se débarrasse du verbeux trop explicite, emporte l’adhésion.
De ce point de vue, la fin, assez proche de The Thing, est la grande réussite du film : sur le canevas formaté du retour à la normale, l’expansion de la mise en abyme avec le livre maléfique devenant un film à l’audience encore plus large vient déjouer les attentes. Nihiliste et jubilatoire, cet éclat de rire final dans une salle de cinéma en dit long sur les vertus que Carpenter attribue à son cinéma, qui séduit autant qu’il écorche son spectateur.

Le 13 décembre 2016

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