L'Antre de la folie est le treizième long-métrage de l'ami Carpenter, de ce fait ce dernier ne pouvait que nous faire basculer une fois de plus, si ce n'est la meilleure, dans l'horreur. Ce film est superbe ! Rarement le malsain et la terreur ne m'ont autant transporté au point de me rendre quasiment fou moi aussi. Promis monsieur, j'arrête de suite de dessiner des croix partout... Plus sérieusement, je me suis véritablement retrouvé en terrain familier, moi qui aime l'horreur comme on aime une femme plantureuse se déhanchant devant nous. J'aime l'horreur, ouais ! J'adore ce qui est glauque, bizarre, tordu, salace... C'est pulsionnel c'est comme ça on y peut rien. Et en voilà un film d'horreur que je suis fier de le qualifier de la sorte. On s'éloigne de mille kilomètres de tous ces prétendus films horrifiques qu'on nous balance à la gueule comme des bouts de viande périmés à la sauce jumpscare et esprits sans personnalité. Non, ce que l'on retrouve ici c'est du caviar Lovecraftien. Il n'y a rien de mieux.


L'histoire pour faire court : notre héros (joué par l'excellent Sam Neil) est une sorte d'enquêteur en charge de retrouver un écrivain à succès dont la maison d'édition n'a plus de nouvelles. Le dit auteur est présenté comme le nouveau Stephen King, écrivant lui aussi des romans d'épouvante. En parallèle, on nous indique que son nouveau livre était censé sortir bientôt. Beaucoup d'argent est visiblement en jeu, l'enquêteur est sur le coup, aidé dans sa tâche par la sublime éditrice, Linda Styles (Julie Carmen). Seulement des événements étranges vont bientôt envelopper nos personnages, les menant inexorablement à se confronter à la frontière de la folie.


Si vous n'avez pas vu le film, je vous conseille d'arrêter votre lecture ici de ma critique. Le bébé de Carpenter est beaucoup trop bon pour honteusement le spoiler sans prévenir. Je suis bon prince, je sais, on me le dit souvent.


Vous êtes toujours là ? Fort bien ami Carpenterrien, parlons de ce fameux rapport réalité/folie, si prégnant dans le film. La démarche de Carpenter est absolument saisissante tant elle met en branle notre propre conception de ce rapport. Tout au long du film, on bascule dans l'horreur tout en gardant en tête, à l'image du héros, une certaine part de rationalité. Si l'on voit le personnage se faire interner dès le début du film, ce n'est que prétexte pour nous faire nous demander si lui est fou ou si c'est le monde autour de lui qui est véritablement en train de partir en sucettes. Et jusqu'au dénouement, cette ambiguïté persiste. Rêve/réalité ? Folie, pas folie ? On est constamment entre le domaine de la fiction et celui de la réalité, la mise en abîme autour du dernier livre de Sutter Cane nous l'exposant brillamment. Se retrouvant catapulté dans l'horreur de Hobbs End, c'est le livre que nous pénétrons ainsi, ce qui pose la question de la réalité d'une idée. On dit que la réalité dépasse souvent la fiction. On pourrait plutôt dire qu'elle s'y mélange. La fiction fait partie de la réalité, elle même n'étant observée que par le prisme de notre conscience. Hobbs End c'est aussi bien notre monde qu'une parodie de celui-ci. L'horreur est présente en chacun, tout comme le monstre...


Permettez que je tire une citation de ce merveilleux film, nous provenant directement de Sutter Cane :



Grace à ce livre, le monde va changer. Ce sont les nouveaux lecteurs, les nouveaux croyants qui seront les instruments de ce changement. L'essentiel c'est la croyance. Quand de plus en plus de gens commenceront à ne plus savoir faire la différence entre l'imaginaire et la réalité, les hôtes du sanctuaire pourront réapparaître. Donc plus il y aura de croyants et plus ce jour arrivera vite.



Tout en comparant efficacement la religion (la scène se déroulant dans un confessionnal) à sa fiction malsaine, Cane nous explique ce rapport complexe d'entre réalité et imaginaire. La première ne saurait exister sans nous pour nous servir du second comme moteur...

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le 22 oct. 2015

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Fosca

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