On ne saura jamais ce qui intéresse Bonello avec ce film : afficher sa nostalgie des maisons closes, déshabiller des femmes girondes pour le plus grand plaisir du spectateur, confirmer que la prostitution est bien le plus vieux métier du monde, on y reviendra… Le film s'ouvre sur des magnifiques créatures à la peau laiteuse dans le plus simple appareil, s'apprêtant avant d'accueillir les visiteurs du soir. Les filles échangent, fument et boivent du champagne pour se donner du courage, s'entraident à fermer un corset que les hommes vont s'empresser de leur retirer. Bienvenue au bordel, de 1899 à l'aube du 20e siècle siècle et si l'atmosphère vous semble rapidement anxiogène voire toxique, n'attendez pas de la part de Bonello une échappatoire vers l'extérieur, la maison est close. Le réalisateur a d'autres atouts dans sa manche pour captiver l'attention du spectateur, notamment à mi-parcours de son long film où l'enfermement pourrait lasser, voire indisposer. Pas l'ombre d'un sexe d'homme turgescent ici, seuls les filles sont déshabillées, leur sensualité exposée au regard lubrique du spectateur/client, femmes objets qui cumulent les passes et sont priés de céder aux désirs plus ou moins vicieux de ces hommes fortunés (belles brochettes d'acteurs réalisateurs tels que Jacques Nolot ou Xavier Beauvois), qui se livrent à tout ce dont ils se sentent privés à la maison. Et n'allez pas croire que ces jeunes pensionnaires soient protégées, l'une d'entre elle se fera défigurer façon Joker par un tordu après un rêve prémonitoire. “La juive”, recluse, devient ainsi l'attraction locale pour une autre poignée de vicelards tel John Merrick dans Eléphant Man. Lorsqu'elle tient sa vengeance, elle peut enfin pleurer mais ce seront des larmes de sperme, symbolique… Bonello, tel un esthéticien, veut faire des tableaux vivants, il soigne ses cadrages par des compositions plus ou moins sublimes mais bien loin du talent d'un peintre comme Bertolucci (1900) ou de Kubrick (Barry Lyndon). Bonello nous montre tout, les ablutions intimes, la peur des maladies vénériennes ou pire, se retrouver enceinte. La scène avec le « gynéco » est assez incroyable, unique moment ou les filles ont la plus grande difficulté à écarter les cuisses. La seconde partie de ce long film est différente, Bonello ne veut pas perdre de spectateurs en route alors il n'hésite pas à introduire une musique qui n'a pas encore vue le jour, le magnifique et très soul « The right to love you » de The Mighty Hannibal ou encore Lee Moses. Cet univers subitement anachronique accentue le rythme et le propos de l'auteur, Bonnello jouant à fond la provocation, il nous plonge sans échappatoire possible dans ce triste bordel, distillant un malaise étrange et fascinant, ou tels des fleurs éclatantes, ces jeunes filles vont se perdre et se faner jusqu'à la pourriture.