Découvrir le quotidien des filles de joie d'une maison close semble être à la mode ces temps-ci. Après Canal + et sa série intelligemment intitulée "Maison Close", voilà que le cinéma d'auteur s'y met aussi avec "L'Apollonide, souvenirs de la maison close". Tout de suite, les critiques crient au chef d'œuvre, à la pépite injustement non récompensée à Cannes cette année. Le palmarès ne m'ayant pas déplu cette année et même bien au contraire, j'ai été subjugué par la beauté de "The Tree of Life", je m'attends à en avoir pour mon argent dans le Gaumont de ma petite ville. Résultat, même si le film est loin d'être mauvais, on reste sur sa faim devant un film dont on pourrait amputer 15 à 20 minutes aisément.

Bertrand Bonello voulait montrer à travers ce film le quotidien, ni plus ni moins, de ces femmes payées pour donner du plaisir à de riches Hommes à la fin du XIXème siècle. Et il réussit plutôt bien dans sa tâche, laissant glisser la caméra dans une atmosphère de velours, très cosy, où tout est fait pour que le client soit roi et donc, qu'il revienne. Ancré dans une époque où ces maisons closes étaient la norme, on n'est pas choqué de voir ces filles se faire prendre pour de l'argent, de les voir participer à des jeux sexuels, parfois douteux. Et elles non plus. Bien sûr, leur condition ne les satisfait pas et elles aspirent à une vie meilleure mais elles n'en deviennent pas moins victimes.

Car c'est là la qualité principale du film : Bonello ne se laisse pas entraîner dans les travers de ce genre de production, à savoir la surenchère, la victimisation des personnages pour faire lâcher au spectateur quelques larmes le plus souvent très vite oubliées. Les personnages principaux du film parlent boulot et vivent une vie tout à fait normale bien qu'elles soient constamment dans une prison dorée. Il ne banalise pas non plus la condition de Putain pour un faire quelque chose d'acceptable et de normal, l'empathie est omniprésente, toutefois, on n'éprouve pas de pitié mais plutôt du respect pour ces femmes qui ont le courage de faire ce métier.

Et il ne fait pas passer les Hommes pour des imbéciles qui ne pensent que grâce à un excès de testostérone. Du moins la plupart du temps. Il essaye de raconter avec la plus grande justesse la mentalité de l'époque, bien différente de la notre et pourtant pas tant que ça et des excès de la bourgeoisie dans une France en pleine industrialisation. On fait notamment référence à l'inauguration du métro de Paris ou bien à l'affaire Dreyfus pour bien souligner le fait qu'on est en 1899/1900 et qu'il y a un souci d'authenticité. Un peu trop peut-être puisque ces anecdotes semblent de trop et un sentiment de tromperie s'en dégage : Nous ne sommes pas des idiots dans un cours scolaire, nous voulons voir une histoire à l'écran, pas un documentaire.

Le plus mauvais point du film est cette obsession de la femme qui rit. Bonello oublie le temps de ces scènes le piège du Pathos et cherche à choquer, à l'extrême le spectateur en remontrant la scène vécue par la victime sous plusieurs angles quand la première fois aurait suffit à faire comprendre l'ignominie de l'acte. On voit d'abord cette femme allongée en sang puis on revoit la scène petit à petit jusqu'à l'acte répugnant. Et c'est finalement en cela que le film devient trop long. Ces scènes, qui doivent représenter au moins un quart d'heure du film, auraient pu être retirées au montage et aurait permis au récit d'être beaucoup plus prenant plutôt que de le rendre dégoutant. En comparaison, la fille qui a la syphilis est beaucoup plus intéressante. Elle passe du statut de petite préférée d'un client riche, qui plus est amoureux, à la fille dans un placard, mourante et tient le rôle à la perfection. Le réalisateur évite le choquant et convainc le spectateur du fléau que peut représenter ce genre de maladie dans un tel contexte sans pour autant chercher à dégouter, à répugner.

En conclusion, ce sera un 6/10 pour la performance hors normes de toutes les actrices, plus convaincantes et justes les unes que les autres et pour une réalisation assez bien maîtrisée pour ce sujet ambitieux. Peut-être un peu trop d'ailleurs car, si le réalisateur réussit à éviter les pièges évidents la plupart du temps, il ne peut s'empêcher de tenter une approche un peu trop choquante. Tant et si bien d'ailleurs, qu'on finit par éluder certains (très) bon moments. Et puis, le parallèle grossier avec les putes sur le trottoir en métropole de nos jours aurait pu être également être coupé, n'apportant, me semble-t-il, rien au film. L'image de l'Apollonide fermant ses portes était une parfaite transition avec la fermeture des maisons closes dans tout le pays.
Carlit0
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le 30 sept. 2011

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