Alberto Sordi, en grande forme, s’amuse et nous amuse dans cette comédie où il passe par toutes les états et éprouve toutes les émotions, hautement pathétique, mais aussi un peu ridicule, drôle, touchant, amoureux, lâche, héroïque, sot, raisonnable, désespéré, formant avec Silvia Mangano, femme audacieuse et obstinée qui commande le couple, une paire complémentaire à la vie comme au jeu – car de jeu, de cartes, il s’agit - plus précisément du Scopone Scientifico.
Comencini filme avec réalisme mais aussi avec humour et commisération la misère des habitants d’un bidonville de Rome dont l’accent et les expressions typiquement romains, le sens de la dérision, la répartie et la sincérité nous conquièrent inévitablement. L’espoir les fait vivre, caché sous forme de liasses de billets dans le coffre-fort d’une vieille Américaine (qui n’est d’autre que Bette Davis) qui a les cartes en main et fixe d’une certaine manière règles du jeu. Comencini associe clairement ce personnage à la classe des dominants, plus particulièrement au monde de la finance et de la banque, cruel décideur de ce monde, qui ne s’embarrasse pas de mettre à la porte de pauvres hères tandis que la perte d’une partie infinitésimale de sa fortune le rend fou, au point de presque le tuer.
Le cinéaste joue énormément sur le suspens du dénouement de la partie de cartes pour accrocher le spectateur en même temps qu’il nourrit les espoirs du peuple qui attend grâce à une forme de ruissellement que leur destin de misérables change – tandis que les enfants, sans espoir, pragmatiques, pensent boulot, salaire, bouffe, logement.
Avec d’excellents dialogues, un humour efficace, un suspens garanti et surtout une galerie de personnages remarquables de sincérité (autant les principaux que les secondaires), L’argent de la vieille est sans aucun doute un des films les plus réussis de Comencini.
7,5/10