Réaliser un remake est un exercice particulièrement audacieux (et périlleux) quand il s’agit de fournir la relecture d’un classique. De tels projets peuvent même donner un résultat vain et douteux lorsque les velléités mercantiles supplantent la narration ou la mise en scène elle-même. Au début des années 2000, le phénomène a connu un nouvel élan avec deux métrages d’excellente facture: Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel et L’Armée des morts qui, pour l’occasion, est le premier film de Zack Snyder. De quoi lancer une carrière ou la péricliter irrémédiablement dans les affres du septième art...


S’il veut un remake de Zombies, L’Armée des morts tente de s’affranchir de sa responsabilité écrasante en s’écartant sensiblement de son illustre modèle. Bien que le contexte et le cadre soient similaires, l’objectif n’est pas de réaliser un «copier-coller» revu sur le plan esthétique et narratif. Contrairement à son prédécesseur, l’entame présente une approche spectaculaire où des personnages quelconques sont confrontés à l’apocalypse Z. L’évolution d’une simple attaque domestique à un effondrement généralisé est d’autant plus percutante que ce dernier point survient inopinément. À grands renforts d’explosions, d’émeutes et de massacres en règle, on nous expose avec efficacité les tenants de l’histoire.


Mais l’intrigue initiale est avant tout un huis clos. Aussi, il paraît difficile de faire l’impasse sur ce point, encore moins d’être capable de fournir un métrage de qualité sans une caractérisation à la hauteur. En l’occurrence, les personnages sont suffisamment dissemblables pour donner le change. On notera que la méfiance n’évolue pas au fil de l’histoire pour mieux confronter les divergences d’opinions, mais qu’elle est présente dès les premières rencontres. Cela tient autant à la crainte de l’inconnu, de ses motivations, qu’à l’absence d’informations sur la nature de l’épidémie. L’idée n’est pas de mettre en avant la fragilité sociale dans ces circonstances, mais plutôt de faire fi des désaccords face aux épreuves.


Certes, il y a bien des affrontements ou des prises de risque qui viennent dynamiser la progression. Toutefois, l’aspect réaliste permet surtout de bien comprendre qu’une telle situation ne puisse être abordée sous le prisme de l’individualité. Cela peut paraître optimiste, voire naïf, mais L’Armée des morts tranche avec le discours habituel de ce type de métrages. Par ailleurs, ce n’est pas la seule singularité faite aux films de zombies. Sans doute inspirés par 28 jours plus tard, les morts-vivants sont en mesure de courir de manière frénétique. Un point qui a créé la polémique auprès des puristes, mais qui, là encore, offre une dynamique différente à l’histoire.


Il ne suffit pas de slalomer ou bien observer son environnement pour s’en sortir. La principale menace était jusqu’alors le surnombre et les masses de zombies. Ici, le danger peut survenir soudainement de partout. Qu’il s’agisse d’un lieu fermé, comme le sous-sol, ou en extérieur, comme le parking du centre commercial, les moments de tension sont diversifiés. Ceux-ci se jouent du cadre, du comportement des personnages et de l’imprévisibilité de chaque situation. Il en découle parfois une part d’improvisation dans les tentatives de fuite qui rend l’issue des confrontations d’autant plus incertaines, même en constatant un excès de prudence ou le refus de se séparer.


Au final, L’Armée des morts est un remake réussi qui assimile parfaitement ce qu’implique un tel projet. Le film de Zack Snyder emprunte les bases de son modèle sans pour autant les dénaturer. Cela passe par des libertés volontaires, notamment en ce qui concerne la célérité des zombies ou encore la trame principale. L’incursion dans le centre commercial n’en oublie pas de distiller une petite critique sur le consumérisme, mais cette perspective reste moins développée que dans le métrage de George Romero. Servi par des personnages plus travaillés qu’à l’accoutumée, il en ressort un film de survie énergique et enthousiaste qui, sans égaler Zombies, vient auréoler son mythe d’une relecture aux qualités évidentes.

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le 16 août 2020

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Blockhead

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