Le succès inattendu de Star Wars, premier du nom, permet à George Lucas de réinvestir dans son récit encore mineur, si l’on considère cet épisode plus sombre et qui travaille davantage les enjeux psychologiques des personnages. Malheureusement, ne pouvant pas mener autant de fronts à la fois, à savoir production, réalisation et financement, il confie la réalisation du film à son ancien professeur de cinéma Irvin Kershner et qui a déjà pu explorer ce métier avec notamment un regard sur la condition humaine dans « Le Mal de Vivre », le western « La Revanche d'un homme nommé cheval » et le thriller horrifique « Les Yeux de Laura Mars ». C’est alors qu’une équipe plus variée vient alimenter cette mythologique déjà bien engagée. Avec Lawrence Kasdan (Les Aventuriers de l'Arche Perdue), en renfort pour les dialogues, et Leigh Brackett (Le Grand sommeil, Rio Bravo, El Dorado, Le Privé) à l’écriture, Lucas ne prend pas de raccourci et explore un filon à la manière d’une tragédie grecque, toujours ancrée dans une modernité bluffante.


Une ellipse laisse place à un nouvel environnement, aussi froid que la première planète que l’on découvre d’entrée. Et pour pimenter l’expérience, on inverse la structure qu’on connaît habituellement, en nous offrant le climax qu’on aurait pu attendre dès le premier acte. Et pourtant, il y a bien plus à explorer dans la psyché de nos héros, notamment dans celle de Luke qui entre dans une impasse et se trouve rapidement confronté à ses craintes et son passé. Son parcours initiatique prend une nouvelle allure, qui surfe sur cette extension d’univers, tout en restant dans une tonalité déchirante. Les héros finiront par se séparer et apprendront à mieux se connaître, jusqu’à aller chercher une romance inattendue et qui donne lieu à l’une des répliques les plus romantiques du cinéma. Voilà donc où réside la force de ce second volet, qui place ses personnages devant l’intrigue. Et ce sera bien le sujet du récit qui fait irrémédiablement office de transition, mais qui se veut provocateur et utile, ce que de nombreuses suites échouent à développer.


Billy Dee Williams rejoint alors le casting et incarne un vagabond de luxe, nommé Lando Calrissian. Affublé d’un élan lyrique, mais surtout comique, on le relie à ce ton sournois qui s’empare de l’intrigue, car comme le titre l’indique, les héros sont mis à mal. Ils sont au même niveau que Lucas qui n’a pas d’autres choix que de prendre du recul sur son œuvre afin de se renouveler. Le pari s’avère gagnant, car la tension dramatique est bien présente, palpable et efficace. Les faiblesses se dévoilent et les cicatrices s’ouvrent avec frénésie, ce qui permet au chasseur de prime Boba Fett (Jeremy Bulloch) et s’épanouir dans l’ombre et dans l’imaginaire des spectateurs, car sa présence à l’écran est limitée, mais il parvient à dégager une inquiétude à en faire une bonne sous-intrigue à son égard. Le point d’orgue sera malgré tout auprès de l’opposition entre l’Empereur Palpatine (Ian McDiarmid) et Yoda (Frank Oz), qui mettra au goût du jour la première menace fantôme, quand bien même la détermination de Vador aura raison de son engagement envers l’Empire. Nous découvrons donc les sillages d’une discipline de l’esprit que l’on apporte avec du mystique, dont l’utilisation devient plus concrète. L’esprit du Jedi emprunte à la foi ce qu’il est impossible de combattre à plusieurs. Nous nous plaçons donc dans un cadre intimiste, où la patience et la perception de ce qui nous entoure seront les clés de voûte d’un ensemble bien huilé et pourtant dévêtu d’un mécanisme apparent. Les conventions sont détournées pour mieux appréhender cette destinée qui ne doit en aucun cas vaincre ces héros qui doivent cueillir la maturité à temps et avec sagesse.


La leçon d’Histoire laissée derrière soi, « Star Wars : l’Empire Contre-Attaque » prend ainsi le relais du premier opus qui a posé de grandes bases. Ce second mouvement explore en profondeur l’aspect humain, tout en continuant d’amener la religion et la philosophie à mûrir dans un environnement hostile et où les protagonistes se cherchent encore. Entre le crucifix de Vador et la pression de menaces invisibles, la Force développe une nouvelle forme de défense et c’est à ce moment qu’on rompt avec l’avancée spectaculaire des protagonistes qui doivent, par-dessus tout, s’armer de leur lien, chose que l’espoir ne peut plus rien entreprendre pour les sortir d’un piège à en faire méditer plus d’un. Les dieux prennent part au duel qui oppose la lumière aux ténèbres, mais le but du jeu n’est pas de savoir qui va l’emporter, c’est de savoir qui aura légitimement mérité sa place et saisi le destin qu’il se sera définitivement créé.

Créée

le 15 déc. 2019

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Cinememories

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