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Deuxième opus de la « trilogie du milieu », Passeport pour deux tueurs s’apparente à une variation de Milan calibre 9. Fernando Di Leo conserve le cadre de Milan, celui de la petite délinquance et de la pègre, et construit autour de son personnage principal un récit en forme de tragédie. Comme dans Milan calibre 9, tous les personnages courent à leur perte. En tous cas, tous ceux qui se retrouvent sur le sol italien. Le commanditaire américain, qui est présenté dès la première scène, restera tout au long du film éloigné des balles qui sifflent et des cadavres qui tombent. Une métaphore à peine voilée des agissements des États-Unis par rapport à l’Italie qui, depuis la fin de la guerre, « met les pieds sur la table » pour reprendre l’expression même du commanditaire, et tire les ficelles sans prendre le moindre risque. Cette attitude des Américains va retomber sur Luca Canali, un petit mac sans envergure, à qui la pègre locale fait porter le chapeau de la disparition d’une cargaison de drogue. On comprend évidemment très vite que ce petit malfrat n’est évidemment pour rien dans cette affaire mais qu’il a été dénoncé aux Américains par un petit mafieux local. Pour le commanditaire, on se rend compte que les membres de la mafia ne pèsent pas plus que le petit malfrat. Ses hommes de main n’ont donc qu’à faire le ménage comme ils l’entendent.


Dans ce poliziottesco dépourvu de policiers (une forme d’aberration pour le genre mais qui en dit certainement assez long sur ce pense Di Leo de l’action policière sur le terrain), le réalisateur se concentre sur quelques personnages. En tête, bien sûr, Mario Adorf qui incarne le petit proxénète qui roule des mécaniques mais qui n’a pas grand-chose dans le pantalon. En face de lui, deux tueurs incarnés par Henry Silva et Woody Strode. Figures des tueurs à gages américains, froids et sans cœur, ils forment un duo inquiétant qui inspirera Quentin Tarantino pour Pulp fiction. Toujours en face de lui, le patron local de la pègre qui n’a qu’une idée en tête, à savoir le tuer afin qu’on ne puisse pas remonter jusqu’à lui. Poursuivi par les deux tueurs à gages et par les hommes de main de Don Vito Tressoldi, on ne donne pas cher de la peau de notre petit maquereau. C’est ce resserrement de l’étau autour de celui-ci qui couvre la première partie du film. Une sorte d’allégorie, toujours, de l’individu lambda écrasé par des enjeux qui le dépassent.


De ce pantin un peu pathétique et promis à une mort certaine, Fernando Di Leo prend le parti de le transformer en une bête sanguinaire qui jure de faire la peau à tous ceux qui veulent sa mort. La petite musique de ce polar pépère prend dès lors l’allure d’un western urbain où la violence des personnages ravage tout sur son passage. Le récit bascule dans tous les excès avec des courses poursuites et des fusillades qui partent dans tous les sens. Ces séquences, qui auraient gagné en réalisme avec moins de musique, semblent, au contraire, vouloir se rapprocher d’un cauchemar rageur. On y tue l’innocence avec une absence totale de moralité : femme, enfant et animaux de compagnie sans défense, tout y passe. Autant dire, l’essence même du poliziottesco avec une réelle science du récit et des personnages. Une fausse petite série B sans prétention.


6,5/10

Play-It-Again-Seb
7

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le 13 mai 2024

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