Hollywood et L'enfer de la création

Sur DVDCLASSIK.COM, Benoit Rivière écrit :

"L’Enfer des tropiques n’est pas tout à fait un film de Robert Parrish, du moins pas dans la version qui nous est aujourd’hui connue. Dans leur "50 ans de cinéma américain"*, Tavernier et Coursodon nous précisent que le film a été remonté par les producteurs contre la volonté de Robert Parrish et du scénariste du film, Irwin Shaw. Les deux auteurs nous rappellent que ce n’est pas le seul cas où Parrish a vu son film être repris par les producteurs, ce qui décrit assez bien les tentatives de mise en scène singulières du réalisateur dans un système hollywoodien encore largement sous la domination des studios. Robert Parrish fait ainsi partie, par exemple, de ces réalisateurs qui ont cherché à introduire un certain relâchement dans des genres souvent caractérisés par la tension ou l’action (policier, western...). De fait, L’Enfer des tropiques contient de nombreux, voire d’interminables relâchements, mais qui s’apparentent ici davantage à des longueurs plutôt que des lenteurs. C’est un film étrange, bancal, surprenant maladroitement le spectateur, qui navigue jusqu’au bout entre scènes captivantes et moments très faibles."

*Extrait de cet ouvrage : "Fire Down Retour (L'enfer des tropiques) est malheureusement un film mutilé, tronqué, remonté. Plusieurs œuvres de Parrish ont ainsi été défigurées. (...) Dans ce film, c'est par moments seulement que, à travers le scénario d'Irwin Shaw, on retrouve une atmosphère, un ton très conradiens. L'histoire démarrait dans un navire en flammes où un docteur essayait d'interroger Jack Lemmon qui était coincé dans le bateau et refusait de répondre. A partir de là, se développait une série de flash-back, avec des retours au présent pour évoquer les rapports très violents entre Robert Mitchum et Jack Lemmon. En remettant l'histoire à plat, les producteurs détruisirent le suspense, la construction énigmatique, une bonne partie du dialogue et un personnage joué par Joan Miller. Une séquence entière fut ajoutée où Edric Connor (Jimmy Jean, l'employé des "héros") reçoit une lettre expliquant ce que fait Lemmon sur le bateau. Mais le son fut si mal enregistré qu'on ne parvient pas à saisir la raison de cette scène dont le contenu dramatique est mille fois inférieur à ce qu'avait écrit Shaw à l'origine. Il reste à espérer qu'on parviendra à reconstituer un jour le film tel qu'il avait été conçu par ses auteurs."