Dans le genre du film de guerre, il y a 2 catégories : le film à grand spectacle, à gros déploiement de matériel et avec un casting de stars, et puis il y a le film à petit budget, la série B de qualité, plus modeste et plus introspective. L'Enfer est pour les héros appartient à cette seconde catégorie, mais n'allez pas croire qu'il s'agit d'un petit film vite troussé par un génie de la série B comme l'était Don Siegel.
Siegel réalise une sorte de huis-clos en extérieur (en studio, avec de nombreuses scènes nocturnes pour cacher un décor minimaliste) qui s'intéresse plus aux hommes qu'aux combats, même si les combats sont bien là, surtout dans le dernier quart d'heure avec l'assaut du blockhaus. Mais avant tout, c'est une réflexion sans concession sur la vacuité de la guerre et sur la vanité de l'héroïsme béat. C'est un film âpre, au montage cut, magnifié par un noir & blanc superbe qui rend les visages des mecs comme des zombies sous une lumière spectrale ; Siegel installe une tension latente jusqu'à l'assaut final dans un effort désespéré et dérisoire, sa galerie de personnages est auscultée à la loupe, d'où se détache la figure de Steve McQueen qui incarne un soldat taciturne, asocial, tête brûlée et indiscipliné. Il s'agit d'un film choral tourné entre les Sept mercenaires et la Grande évasion, Steve n'y a donc pas encore véritablement la vedette, mais son personnage énigmatique attire aussitôt l'attention, il est donc plus favorisé en scènes que certains de ses partenaires comme Fess Parker, James Coburn, Harry Guardino, Mike Kellin ou L.Q. Jones... C'est en tout cas un de ses meilleurs rôles en début de carrière, où ne filtre aucun maniérisme, ni aucun tic d'Actor's Studio comme on en voyait chez les acteurs de sa génération comme Marlon Brando ou Paul Newman. Son héroïsme final tient pratiquement de la démence suicidaire, à vrai dire on se doute un peu comment il va finir, mais on a envie de le voir car c'est un héros, un vrai.
Le scénario détourne intelligemment les codes du film de guerre pour développer des personnages complexes ; l'ennui c'est que certains rôles sont incongrus et font perdre de la puissance au film, je pense à ceux de Bobby Darin et Bob Newhart qui en plus sont beaucoup moins connus que McQueen, Guardino ou Coburn. Leur emploi comique censé détendre l'atmosphère tendue, n'est pas des plus discret, ils décrédibilisent le propos en gâchant certains moments par leur présence trop appuyée. C'est le petit défaut de ce film qui sans cela était parfait.
Malgré ça, le réalisme est étrangement présent, ce qui est assez rare dans un film de guerre en 1962 (les soldats blessés qui hurlent en perdant leurs tripes), et la maîtrise de Siegel alliée au charisme de McQueen, permet de bonnes scènes comme celle de l'assaut du blockhaus ou encore la scène très tendue de la traversée nocturne du champ de mines, tout ceci en dépit d'un faible budget, et qui fait de ce film une réussite affichant un ton sec et violent.