Comment ça peut être top 15 des films de Walsh sur SensCritique ?

Comment ça peut être top 15 des films de Walsh sur SensCritique ?


En dehors d'une très jolie photo, on a un film qui traite le sujet de l'esclavage n'importe comment, de façon moralement très discutable, en décidant de montrer les difficultés de la condition d'esclave de façon ultra intermittente pour se concentrer sur 2 maîtres: Le père de l'héroïne qui ne fouette jamais un esclave (mais qui fait quand même une action répréhensible au départ, en vendre un, laissant espérer un frison de violence morale dans le film) et le maître que la femme aura qui est tellement gentil qu'il est aimé profondément par ses esclaves qui refuse de se révolter.


Pendant plus d'une heure, le point central du film, la condition d'esclave, n'est jamais traité sérieusement, on suit une héroïne chouineuse dont les élans de liberté outrés et caricaturaux sont ponctués par une musique de mélodrame bien cliché qui n'est pas à la mesure de l'action (là où ça fonctionne quand le ressenti et l'ampleur de la situation est juste comme dans le meilleur de Douglas Sirk), ces problèmes culminants avec la scène magnifique visuellement où tout les esclaves chantent joyeusement le retour du maître et l'escorte lui et sa maîtresse dans une charrette à fleur ou dans la séquence plus tardive où un esclave devenue nordiste retrouve son maître et l'aide à fuir en lui disant: "Pour moi vous êtes toujours le maître". Après cela, le film tente un retour vers la noirceur, avec une séquence de tension bien tenu lors d'un duel au pistolet et avec la révélation du passé sombre du maître qui trempait dans la traite négrière et qui se met à décrire les conditions inhumaines de ce que vivait les esclaves lors des traversés en mer.


Mais c'est là que le bas blesse encore plus, pourquoi toujours reléguer la violence envers les esclaves au hors champs et, qui plus est, celui du discours ? Pourquoi ne jamais montrer un esclave fouetté ? Pourquoi le héros qui se veut devenir bon continue-t-il à avoir des tonnes d'esclaves qui travaille pour lui gratuitement ? Pourquoi le héros soutient-il le Sud en brûlant ses champs de coton (dans une séquence visuellement impressionnante) et pourquoi le Nord est présenté comme ayant des soldats racistes qui agressent les femmes ? Pourquoi le personnage de Sidney Poitiers est-il incompréhensible (il reproche au maître sa trop grande gentillesse qui empêche une révolte, il veut le tuer et finit par se faire retourner par une révélation lors de laquelle il passe pour un ingrat perverti par l'argent alors que les actions de son maître reste répréhensible) ? Et enfin pourquoi l'héroïne est une immense cruche qui dans son point dramatique le plus intense hurle "Je suis amoureuse et je resterai du côté blanc !" ?


Le fait que les personnages ou la morale d'un film soit ambigüe n'est pas un problème mais ici ça manque beaucoup de clarté et c'est porté par les outils vraiment pas subtile du mélodrame (la ponctuation par la musique de chaque actions/révélations qui confine souvent au ridicule) même s'il fonctionne parfois (le pano sur la fenêtre où l'éclair tombe pour annoncer la montée de sensualité entre l'héroïne et son maître pendant une scène d'amour).


Walsh épouse assez bien la forme des genres qu'ils convoquent même quand il l'est pratique peu, on le voit ici mais très peu de chose se dégage du film ou de sa mise en scène en s'éloignant de l'aspect moral ou dramaturgique. On trouve seulement l'utilisation d'un montage hétérogène, c'est à dire l'intervention dans le montage d'image qui tranche radicalement en terme de texture, qu'on trouvait déjà dans un bien meilleur film (Les aventures du capitaine Wyatt (1951) avec des vues documentaires de la nature qui tranchaient avec le reste des images du film) et qu'on retrouve ici sous la forme d'une série d'images chaotiques lors d'une tempête ou de la présentation des champs de cotons et du domaine du maître qui s'affranchit d'un coup de la continuité temporelle.


Ce n'est pas le pire film de Walsh, du moins d'un point de vu technique/visuel (sur 18 films vu, j'opterai pour Esther et le Roi (1960) en raison du traitement vraiment affligeant de l'action et la niaiserie des personnages) mais c'est son plus grand potentiel gâché (avec peut être Saboteur sans gloire (1944) qui avait au moins le mérite d'être assez divertissant) et je ne m'explique ni l'ovation tonitruante à la cinémathèque ni celui qui, à la sortie de la salle, a oser affirmer: "Wow, c'est peut être le meilleur film de Walsh !".

KumaKawai
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le 30 oct. 2023

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