Aussi fable bucolique soit-elle, Aussi frais soit-elle, L'histoire, encartée documentaire fictionnel, consiste à sonder la réalité de deux adolescents, à fabriquer de la transparence et de la clarté sur cet âge naturellement trouble - un peu comme cette étendue d'eau non délimitée, symbolique de l'érotisme. L'été de Giacomo marque des points par sa longue retenue, comme si l'enfance devenait le préliminaire de la vie tristement libidineuse vers l'âge adulte. Car, derrière l'insouciance du présent, la conscience de nos corps, de nos passions s'agitent pour substituer les jeux par les caresses, la familiarité par les mots tendres. Paisiblement, dans ce jardin courtois, nous observons Adam et Eve incarné (et évoqué), avant qu'il ne croque inéluctablement la pomme. Il existait pourtant cet interdit tacite qui mettait de la distance dans les corps, comme s'il s'agissait d'une cousine ou d'une mère. C'est un peu tous ces rôles à la fois : il n'y a qu'un glissement, lent comme l'enfance et fatal comme l'adolescence. Ce sont les mots, de plus en plus évocateurs, qui vont sondés l'autre pour savoir comment il reçoit. Tantôt elle materne, tantôt elle joue, renversant les rôles de la victime et du bourreau (sentimental ?). Tantôt lui est actif et immature, tantôt passif et impassible. C'est peut-être que Giacomo et Stefania se connaissent un peu de trop qu'ils ne savent pas comment s'aborder. Cette imprécision des rapports donnent tout son charme à ce film qui est bon tant qu'il est court. Retiré de tout, les codes amoureux incubent et créent un microcosme naissant. Comme ils se suivent ! Comme ils explorent leurs codes amoureux ! La bienséance et le silence est à faire pour ne pas troubler l'émergence des sens intérieurs mais aussi de cette incompréhension métaphysique qui amène les personnages à penser que, après le présent, il y a la précarité du devenir ; il y a ce vide après l'abolition de rapports anciens. Si, à un moment donné, Stefania n'a plus voulu jouer, en tant que spectateur, j'ai pris plaisir à être à l'affût du moindre détails, me rappelant à moi-même comment c'est arrivé et la tristesse immédiate qui a découlé d'un acte irréversible et pourtant tellement aimant. On peut croire que la surdité n'est pas importante ou que l'été n'appartient pas à Giacomo. La surdité de Giacomo impacte le film grandement de mon point de vue. Giacomo, dans son été à lui, est sourd : c'est sans doute qu'il n'y a qu'Elle qui le comprend et que, de son côté, si l'on ne voit que Stefania céder, c'est parce qu'il y a bien longtemps que Giacomo est sur son ilôt de sexualité. Un peu comme doit être seul au monde dans sa tête quand on est sourd, différent ; il peinait sans nul doute à trouver la réciprocité sentimentale chez Stefania. Ce qui explique en outre son immaturité et ces jeux actifs puis lascifs. Ce qui explique qu'à chaque fois qu'il se laisse faire, l'on s'attend à le voir céder, lui, plutôt qu'elle. D'un relationnel limpide, le documentaire dans son naturalisme fictionnel peut connaître un âge d'or. A voir comme à étudier.

J'ai bien aimé la scène où elle cause de se laisser pousser les cheveux, autre symbole aussi érotique que féminin dans les représentations collectives. Se laisser pousser ? C'est comme une enfance cadavre qui remonte à la surface de l'eau, un reste, une bribe, un dernier rempart avant le grand plongeon.
Les moments passés à la maison sont moins bonnes, c'est vrai mais ils ont l'avantage de faire respirer le film. Y'avait peut-être autre chose à faire.
Mis à part ça, toutes les scènes sont évocatrices de cette découverte plus intérieure que de l'un l'autre,
Y'a la fête foraine c'est-à-dire cet endroit désinhibé, plein d'adrénaline, où on prend des risques pour jouer... et de nuit !
Andy-Capet
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Girl, you'll be a woman soon...

Créée

le 3 nov. 2012

Critique lue 357 fois

2 j'aime

Andy Capet

Écrit par

Critique lue 357 fois

2

D'autres avis sur L'Été de Giacomo

L'Été de Giacomo
nolwenn_chauvin
2

Critique de L'Été de Giacomo par nolwenn_chauvin

Giacomo, jeune homme sourd, passe les vacances avec une amie proche. Au milieu des jeux et des chahuts, leurs sens s'éveillent, mais sans jamais franchir la barrière qui sépare l'amitié de...

le 22 juil. 2012

3 j'aime

L'Été de Giacomo
Andy-Capet
7

Etude de l'amour adolescente

Aussi fable bucolique soit-elle, Aussi frais soit-elle, L'histoire, encartée documentaire fictionnel, consiste à sonder la réalité de deux adolescents, à fabriquer de la transparence et de la clarté...

le 3 nov. 2012

2 j'aime

L'Été de Giacomo
JanosValuska
9

Béatitude.

Le cinéaste, dont c’est le premier long métrage, prend le parti de ne jamais situer temporellement cette balade à deux, la rendant suspendue, hors du temps, hors de tout. On ne reconnaît pas plus...

le 24 oct. 2014

2 j'aime

Du même critique

Into the Wild
Andy-Capet
2

Un connard de hippie blanc en liberté

Sur Into the Wild, je risque d'être méchant. Non, en fait, je vais être dur. Parce que j'assume totalement. C'est autant le film que ce qu'en font les admirateurs de ce film qui m'insupporte. Que...

le 27 janv. 2014

66 j'aime

71

Disneyland, mon vieux pays natal
Andy-Capet
7

Achète-moi un conte prêt à raconter

En tant qu'ancien travailleur de Disneyland, je ne suis jamais senti à ma place dans ce milieu. Tout ce que je voulais, c'était travailler en m'évadant. Ce fut le contraire. J'ai perdu mon innocence...

le 26 avr. 2013

60 j'aime

42

RoboCop
Andy-Capet
9

Leçon cinéphile adressée à tous les faux-culs prétentieux.

L'humour satirique et grotesque dans Robocop est une porte infectieuse pour laisser entrevoir autre chose que du pop corn pour petit garçon, une porte qui laisse un aperçu de cette société tyrannique...

le 10 déc. 2013

49 j'aime

38