Sorti en 1966, L’étranger à l’intérieur d’une femme fait partie des films de la dernière période du cinéaste japonais Mikio Naruse. A une grande modernité de la mise en scène, Naruse ajoute un sens inouï du découpage et une force évocatrice soutenue par une utilisation chirurgicale des contrastes qu’offre le noir et blanc.


La famille est une nouvelle fois au centre de l’intrigue, la famille Japonaise exemplaire, le père, la mère, les enfants et la grand-mère. Le père, cadre supérieur, celui sur les épaules de qui repose tout l’équilibre de ce microcosme illustré par une prédisposition à l’entente cordiale au sein d’un foyer idéalisé par une mise en scène sobre et épurée, quasiment à la Ozu. Sauf qu’un lourd secret vient entacher cette parfaite symbiose et alors la mise en scène de l’auteur de Nuages Flottants et du Grondement de la Montagne, prend alors une connotation plus sombre et les contrastes s’en font ressentir dans le cadre et donne au film une sorte de malaise ambiant permanent.


Un crime, celui d’une jeune femme d’apparence volage est commis. Quid de l’enquête, ce n’est vraisemblablement pas ce qui intéresse le réalisateur. C’est plutôt dans les conséquences de l’acte commis et les ressorts dramatiques issus de la prise de conscience des personnages qu’évolue l’intrigue de ce film. On s’interroge en permanence sur la rationalité entre raison et éthique au sein même de ce parfait équilibre que représente une famille d’apparence modèle qui n’est pas prête à recevoir l’inconcevable révélation qui tombe comme un couperet.


Grave et subordonnée à cette prise de conscience morale qu’est la culpabilité, la mise en scène de Naruse tient à cette alchimie. Des instants de confrontation dans le cadre avec des plans rapprochés montrant les visages défaits à une mise en image plus élancée par l’utilisation de la profondeur de champs, tout ici est raccordé par une alchimie parfaite.


Malgré la gravité du sujet, la mise en scène reste d’une grande sobriété et le cadre ne souffre jamais de la moindre altération. Il est à noter également une parfaite utilisation de la musique, qui jamais ne se pose là comme porteur d’émotions ou ne vient s’intégrer comme élément pompeux. Elle accompagne les raisonnements et les prises de conscience des personnages comme une sorte de mélodie circonstancielle, un élément évident de la fatalité dans laquelle les personnages s’enfoncent irrémédiablement.


Maîtrise du cadre, jeu de contraste lumineux et gravité sont les maîtres-mots de cette fable sur la fatalité et le poids des consciences.

Créée

le 23 avr. 2018

Critique lue 337 fois

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