Visionné après Salo ou les 120 journées de sodomes, un basculement certain dans un autre registre..... mais pas tant que ça. Dans Salo, le sexe et l'ouvrage de Sade ne sont que toile de fond pour aborder la question politique et bourgeoise de la morale contemporaine. Un procédé similaire est à l'œuvre dans l'évangile selon Saint Matthieu.
Pasolini évacue Jésus en tant que fils de dieu dès les premiers instants. La conception miraculeuse en est ironique, et les miracles ne se produisent qu'en champ contre-champ (lépreux, Jésus, "guéris-moi", Jésus, guérison miraculeuse, musique). C'est l'homme politique qui intéresse Pasolini. Cet homme discourant sur les situations d'inégalité du monde, réclamant la répartition des richesses, la fin des miséreux, la nécessité d'aider et d'aimer son prochain.
Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples : Qu’il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu! Les disciples furent étonnés de ce que Jésus parlait ainsi. [...] Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. - L'évangile selon Saint-Marc
Jésus serait-il donc un affreux gauchiste wokiste haineux des riches ? Quelle mouche l'a donc piqué ! Heureusement que les vrais chrétiens n'ont pas lu la bible parce qu'on serait foutu là...
Esthétiquement que dire ? La caméra à l'épaule dans les scènes de foule permet de se plonger au cœur de ces scènes de liesse, presque l'impression de lutter pour assister à la scène de blasphème ou apercevoir la condamnation à mort.
Les scènes de discours face au peuple sont renversantes. On peine à distinguer où dans la masse est Jésus qui ne sera jamais au centre, toujours légèrement décentré ou même sur le côté permettant de saisir l'universalité du discours de Jésus, disons-le, proto-marxiste.
Ces regards tous plus pénétrants les uns que les autres mais qui en disent tellement sur les idées et l'universalisme. L'individu est à inclure, on ne peut le laisser de côtés. Trouver inutile de montrer des individus face caméra, c'est ne pas comprendre l'intérêt du cinéma qui est de montrer le réel et la société. Un certain écho se fait entre Koyaanisqatsi dans son traitement de l'individu et de Perfect days dans sa mise en avant de l'oublié, du simple.
Captivé. C'est l'un des rares films qui m'a provoqué cette émotion. On se retrouve dévoué aux paroles de Jésus bien que complétement différent à l'aspect religieux. Je me retrouve dans cette conception pasolinienne de l'esthétique chrétienne. Impossible de s'arrêter ou même d'oser passer ne serait-ce que 5s dans l'espoir d'aller se coucher plus vite.
La résurrection du christ est à pisser de rire tellement Pasolini en avait rien à foutre en faisant exploser l'entrer de la tombe du Golgota suivi de gros plans rythmé sur une musique joyeuse. Qui aurait cru qu'un film sur le fils du personnage de fiction le plus connu au monde aurait pu être si captivant.