Dans cette longue fresque cinématographique de 2h50, la réalisatrice hongroise Ildikó Enyedi nous embarque dans le destin de Jakob Storr, un capitaine de navires marchands dans les années 20. La 1e partie du film est jouissive, on nous fait embarquer à bord d'une vraie proposition de Cinéma, et j'insiste sur la majuscule, car on est vraiment sur un film très ambitieux tant au niveau narratif, qu'au niveau des décors et de la réalisation. La réalisatrice impose un rythme quasi militaire à son récit, avec des sursauts visuels et sonores plutôt intéressants, d'un plan à l'autre on passe des tumultes de l'océan au calme chaleureux d'un salon au coin du feu, d'une piste de danse à l'apaisement langoureux d'un baiser. Ces sursauts constants finissent malheureusement par très vite desservir le film car ils deviennent extrêmement lassants, ils font office de béquilles à la 1e partie du film, cela permet de nous impliquer très vite dans le film, mais lorsqu'on enlève les roulettes du vélo trop rapidement, il y a toujours de fortes chances que ça soit la chute assurée ! Dès les 1ers plans on sent que la barre est placée très très haute, un peu trop haute peut-être, car arrivé au milieu du film tout se casse la tronche, c'est l'avarie totale, on a la sensation que tout le monde se perd en chemin, on ne sait plus trop ce qu'on nous raconte et sur quel axe narratif on doit se concentrer, on nous abreuve de 1000 histoires à la fois, les personnages sont totalement torturés et traversés par des tonnes de contradictions, on est dans le tourment permanent et on a du mal à suivre ce qui se passe dans leurs têtes au point qu'on finit par s'en foutre un peu ..
On nous rabache sans cesse la figure du valeureux et courageux capitaine de navire incapable de piloter sa propre vie et qui est sans cesse au bord de la noyade... Il faut dire qu'avec pour femme une Léa Seydoux plus poufiasse que jamais c'est pas franchement simple de garder le cap. Et ce qui est un peu trompant c'est qu'on nous promets "l'histoire de ma femme", on attends que le personnage principal nous conte sa femme, mais finalement le personnage de Léa Seydoux n'est pas réellement développé, elle reste très mystérieuse, on nous balance son personnage à la tronche sans aucun contexte, c'est un peu "prends ça et démerde toi" sans compter que le film est chapitré en 7 parties qui ont pour but de développer la psychologie de l'acteur principal.. on ne sait finalement pas vraiment à qui on doit réellement s'intéresser et à qui on doit s'accrocher.. Même leur couple, sorte d'idylle entre chaud et froid, tantôt je t'aime, tantôt je te déteste et je te trompe est assez lassant, ils pourraient s'entretuer qu'on ne s'en sentirait pas beaucoup plus concerné par leurs soucis de couple. Ce n'est donc pas tant l'histoire d'une femme qui est racontée, mais plutôt le parcours d'un homme qui ne maitrise rien à sa vie, qui est complètement incapable de céder aux manipulations dont il est victime et qui se complait totalement dans la nostalgie d'un amour disparu. Le film aurait plutôt eu le mérite de s'appeler "plutôt souffrir que guérir" ! On se retrouve donc avec un récit très très long et sans grand intérêt, mais qui est maladroitement à l'image de la destinée de ses personnages, une histoire d'amour lancée à pleine vitesse avec pleins d'espoirs, mais qui se retrouve dépassée par ses propres ambitions. Je termine quand même sur une note positive pour saluer le jeu d'acteur de Gijs Naber qui tient le rôle de Jakob Storr et qui arrive à donner à ce scénario molasson des notes de dramaturgie et des enjeux qui ont beaucoup manqués à ce film. Entre terre et mer, entre chaud et froid, entre ravissement et déception, un récit "cul entre 2 chaises" qui aurait mérité de prendre son temps, ou à défaut de durer moins longtemps.