Six ans après 120 battements par minute, l'un des plus beaux films de la dernière décennie, Robin Campillo réalise son quatrième long-métrage, situé au début des années 70 sur une base militaire française à Madagascar. Le pays indépendant depuis 1960 vit encore dans l'ombre de la France qui vit alors ses dernières heures. Nous les suivons à travers les yeux du jeune Thomas et de sa famille. Tout en sensations, Campillo restitue superbement ce climat particulier, scrutant les rapports de domination des français sur les autochtones, les illusions d'un paradis perdu. C'est en adoptant majoritairement le point du vue du plus jeune de la famille, que l'Île rouge est moins un film politique que poétique. Car Thomas perçoit ce monde qui vacille à travers son imaginaire, s'inventant des histoires pour échapper à la cruauté des adultes et à ses propres peurs. Il faut sans doute remonter à Chocolat de Claire Denis pour voir un film aussi fort sur le colonialisme. C'est sur quelques notes amères mais magnifiques, chantées par le peuple malgache que se termine L'Île rouge, comme un souvenir emporté qui sent encore la poussière:
Veloma veloma, ry fahazazana /Au revoir, au revoir mon enfance
Veloma veloma, fa efa tsy tamana / Au revoir, au revoir, on ne peut plus s'entendre
Veloma f'izaho, tsy afaka hitana / Au revoir, je ne peux plus te retenir
Veloma veloma, ndeha ka faingana / Au revoir, au revoir il est temps de partir.