C'est l'histoire d'un gangster repenti qui veut fuir le milieu dans lequel il a grandi. C'est aussi l'histoire d'une rédemption impossible. Comment faire pour oublier son passé lorsque celui-ci semble impossible à esquiver. Carlito veut changer et il le revendique. Mais ce n'est pas aussi simple.
Carlito a eu le temps de se penser en prison. Il a perdu du temps et n'y retournera pas. Une histoire de changement de cap donc, comme le cinéma l'a déjà raconté à de nombreuses reprises. Aussi, lorsqu'il est enfin libéré, il veut tirer un trait sur son passé de gangster, oublier la violence, refaire sa vie au soleil et louer des voitures. Seulement, il semble le seul à y croire et tout son entourage, à commencer par son avocat et meilleur ami semble stupéfait par ses choix. D'ailleurs, le spectateur n'est pas dupe et la scène d'introduction n'est pas là pour lui faire changer d'avis. Carlito est dans une impasse. Une fuite en avant ayant pour destination un mur de balles et une fin macabre.
L'histoire est assez convenue. De fait, tous les éléments viennent se mettre en place les uns après les autres pour ne laisser aucune autre alternative au spectateur que de deviner les faits : une simple analyse du comportement et du caractère du personnage d'Al Pacino suffit à imaginer un final qui sera grandiose dans sa mise en scène mais aussi terriblement prévisible. Car oui, pour pouvoir changer de vie, Carlito a besoin de 75 000$. Et quand il accepte de retravailler avec d'anciens comparses pour s'assurer de la rentabilité d'un club en restant le plus honnête possible, sa réputation le rattrape très vite. Impossible d'oublier le grand Carlito, celui qui gérait 100 dealeurs dans les rues, celui qui était sans pitié et à qui tout réussissait. Le truand est respecté, parce qu'il suit un code d'honneur et aussi parce qu'il est craint.
Le véritable point de non retour de l'histoire intervient lorsqu'il retrouve son amour Gail. Il veut la séduire en honnête homme et la reconquérir en lui prouvant qu'il a changé. Toutefois, lorsque celle-ci lui assure qu'il ne rentrera pas chez elle sans qu'il défonce la porte, les instincts primaires du gangster reprennent le dessus. La scène d'amour devient une scène de violence et la nature bestiale de l'ancien trafiquant reprend le dessus, sans jamais plus le quitter : il ne pourra pas échapper à son destin, calculé, froid et sans surprise.
C'est d'ailleurs peut-être ici que réside la faiblesse principale du film. Tout est attendu et tout se déroule comme prévu. La mise en scène est trop parfaite, la caméra glisse dans l'air, l'image est très (trop ?) fluide et les indices laissés par les décors, des lumières rouges sang aux miroirs métalliques, ne laissent aucune place à la surprise. Si Brian De Palma maîtrise sa réalisation à la perfection, il lui manque un grain de folie, celui que ces gangsters semblent tous adorer, celui qui habite également le héros de son film sans qu'il veuille l'accepter. Et cette folie n'est réellement appréciable qu'à travers le personnage de Sean Penn - méconnaissable - cocaïnomane et avocat ayant basculé du mauvais côté. On adore le détester et c'est par lui que viendra le mal : il s'insinue toujours plus, utilise Carlito pour arriver à ses fins, abusant de son code d'honneur de la rue et de ses faiblesses.
L'alchimie fonctionne plus ou moins mais pour une histoire vue et revue, peut-être aurait-il fallu privilégier l'action et la vitesse plutôt qu'un rythme lent et éviter d'étendre l'histoire sur une durée de 2h30 tout de même. Seule la fin, pourtant attendue et la course poursuite finale relèvent le niveau d'un film qui commençait à devenir ennuyant. Le paroxysme de l'action, dans la gare (coucou Les incorruptibles), reste un chef d'oeuvre à elle seule et termine l'histoire en beauté. Qu'on ne nous y prenne pas, Carlito's way est un très bon film de gangsters. Seulement voilà, d'autres sont passés par là avant et ont su apporter ce qui manque au film : la brutalité, la folie, le grandiose.