L'impasse aux violences est classé en "horreur", mais il s'agit bien davantage d'un film dramatique sur la société que d'un film d'horreur à proprement parler. Si frisson il y a, c'est à constater la situation décrite par le film qui n'a rien de fantastique.
À une époque où la science n'était pas vraiment aidée et où l'éthique était quelque peu différente -différemment placée- deux options s'offrent aux scientifiques désireux de faire progresser la médecine. Attendre patiemment l'arrivage d'un pendu livré par la Justice (le repos de leur corps et de leur âme préoccupant bien moins les chargés de la morale), ou aller chercher directement les sujets d'étude au cimetière. Attendre qu'un type commette un crime et se fasse prendre, ou profaner des tombes. Quel choix empli de morale !
Comme bien des scientifiques de son époque, le Docteur Knox opte donc dans le film pour la seconde option et c'est à ce moment là que les choses se corsent pour l'éthique, et le pragmatique et fervent défenseur du progrès qu'il est.


Accepter un cadavre pour faire progresser la science, pour le bien de l'Humanité est a priori une bonne chose. Mais qui se pose la question de savoir d'où ils viennent ? Le Docteur Knox, bien prompt à dénoncer le charlatanisme et les magouilles de ses confrères ne le fait pas. La science avant tout ! Et lesdits confrères si prompts à le juger pour sa faute ne l'ont pas fait davantage lorsqu'on leur présentait des sujets d'études...
Nos deux tueurs font peut être le sale boulot mais ceux qui se voilent la face les encourage indirectement. Qui blâmer alors ? Les tueurs, sans aucun doute. Les médecins plus préoccupés du progrès (et du succès) que des êtres humains ? Les lois qui permettent de telles situations ? La populace qui, si elle est toute déterminée au lynchage, n'est pas exempt de toute critique ? Car après tout, la femme de Burke elle aussi ferme les yeux sur les agissement des deux filous. Et la foule en colère aussi ferme les yeux sur la culpabilité de certains et sur la manière dont la justice est rendue.


Le film, en présentant ces travers, nous montre à quel point nos limites et les justifications que l'on donne à nos actes peuvent fluctuer, quel que soit le rang.
Les bandits se lancent dans leur magouille avec un défunt mort naturellement pour rembourser les dettes qu'il avait contracter. Eux qui jugeaient inconcevable d'aller déterrer un cadavre... Puis le fait de donner la mort est justifié par le fait que leur seconde victime soit une pauvre vieille dont la mort pourrait être vu comme une délivrance. Enfin, leurs crimes prennent de la légitimité parce qu'une entreprise florissante est chose honorable. Il en fait parfois bien peu pour sombrer dans le crime...


Les médecins quant à eux, jugent le corps sans l'âme. Dépourvu de celle ci, il ne s'agit alors que d'une machine : quel mal à démonter une machine lorsqu'elle est hors d'usage ? L'Humanité passe avant toute chose. Quel importance la mort de quelques êtres de classe inférieure lorsque la race entière est concernée ? Il en fait parfois beaucoup pour ouvrir les yeux sur l'horreur lorsque l'on est formaté pour se fermer aux émotions...


À vrai dire dans ce film, la seule personne réellement consciente des choses est la pauvre Mary Patterson. Consciente qu'elle aime Carl et qu'il pourrait l'élever sur bien des points, mais consciente également qu'elle aime les vices qui peuples sa vie et qu'elle risquerait de rabaisser celui qu'elle aime. Consciente que l'on ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière et qu'il ne suffit pas de détourner le regard pour que les problèmes s'évanouissent.


Un bien joli film donc, qui pose des questions sur la morale, l'éthique et l'humain. Et si le problème des dons de corps à la science est résolue, les problématiques du film restent toujours d'actualité. Jusqu'où peut aller la science ? Jusqu'où la laisser aller ? Que peut on accepter ? Quels moyens détournés pour qu'elle progresse ?


En plus d'être intéressant, le film est porté par des acteurs corrects. On pourrait reprocher aux deux tueurs d'être un peu caricaturaux, mais le reste du casting est très bon.
L'actrice interprétant Mary passe du rire aux larmes, de la détresse à la colère avec brio. Sa détresse et sa colère face à sa situation ressortent très bien et nous ne sommes pas -comme on aurait pu me craindre- face à une jeune beauté écervelée et agaçante. Les étudiants et jeunes médecins sont quant à eux très bien dans leur rôle. Conscients de la nécessité de faire progresser la science, admiratif face à leur mentor, mais également sensible aux rumeurs et aux méfaits qui peuvent être commis.
Le Docteur Knox enfin, campé par un Cushing impeccable, passe de la grandeur au déclin avec talent. Présomptueux et aveuglé par ses rêves de grandeur au départ, il sombre au rang de croque-mitaine avec classe et bravoure, redevenant humain et reprenant conscience de ce que signifie réellement le serment d'Hypocrate.


Une très agréable surprise que ce film donc, intelligent et bien tourné. Malgré quelques petits défauts ici ou là et une petite faiblesse de certains personnages, il est une réussite qui mérite le coup d'oeil.

Gaby_Aisthé
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le 3 avr. 2016

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Gaby Aisthé

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